The lunchbox

image 2Un film intelligent, ça peut exister ! Le film « The lunchbox » en est la preuve. Pourquoi est-ce que je dis qu’il est intelligent alors que j’aurais pu dire « sensible » ou « romantique » ou « doux amer » ? C’est ce que je vais tenter d’expliquer (en supposant que le lecteur a vu le film ou en connait le synopsis).

On sait que la cuisine asiatique marie savamment le fade et l’épicé, le doux et l’amer, le tendre et le croquant. C’est ce que fait ce film à sa manière. C’est une comédie : la comédie du malentendu mais aussi celle de l’entente et de la rencontre. C’est la comédie de la rencontre d’une jeune épouse, belle et prévenante, mais délaissée par un mari trop occupé, et d’un vieil homme, veuf, bougon et solitaire.  Rencontre qui ne se fait jamais, que l’homme a la délicatesse d’éluder mais qui est d’autant plus intime qu’elle n’est qu’épistolaire. Ce qui ne peut se dire que les yeux dans les yeux n’est pas écrit et ce qui s’écrit est ce que chacun n’aurait pas osé dire.

C’est une rencontre des âmes mais qui se fait par le corps. Non pas le corps désirable mais celui qui goûte et donne à goûter. La jeune épouse cuisine de bons plats dans lesquels elle fait passer toute sa tendresse ; celui qui les reçoit n’est pas celui à qui ils sont destinés. Et pourtant c’est lui qui les accueille et les savoure comme ils méritent de l’être. Le mari, qui partage la table de son épouse pour le repas du soir, les consomme sans rien goûter de leur parfum et sans que l’amour qui s’y exprime ne lui parvienne.

La jeune épouse reste au foyer mais c’est elle qui est ouverte aux autres. Elle ne cesse d’appeler sa voisine (Auntie) ; elles échangent conseils, soutien, recettes et ingrédients. Mais « auntie » reste invisible, on entend sa voix, les paniers tirés par une ficelle montent et descendent. Le vieil homme affronte chaque jour la cohue de la ville, il travaille tout le jour au milieu d’autres comptables. Mais il ne voit ni n’échange avec personne. Ce n’est que dégrossi par les bons plats qu’il peut entendre et communiquer avec son jeune collègue. Cette rencontre cette fois encore est opérée par le partage des plats préparés avec amour pour un autre qu’eux. C’est celle qui n’est pas là qui les réunit.  

image 1La ville de Bombay est toute entière lancée vers l’avenir. C’est une ville en effervescence, à l’économie émergente, une ville fiévreuse et dure. Le mari indifférent est pris tout entier dans ce mouvement. Son souci est de trouver sa place dans une course à l’argent. Il trouve à peine le temps d’assister à la crémation du père de son épouse dont le décès le laisse insensible.  L’épouse, le vieil homme, la voisine auntie, ont tous déjà perdu cette course, ils n’y sont même jamais entrés. C’est eux pourtant qui vivent la vraie vie, c’est eux qui font face à la maladie, à la souffrance et la mort. La vraie vie, celle qui reste encore sensible, ils la retrouvent dans les séries télé d’autrefois, dans les chansons sentimentales qui les accompagnaient, dans ce qui pourrait paraitre le plus superficiel, le plus futile et dépassé. Ce sont donc les préoccupations les plus actuelles qui sont les plus vides, et celles qui pourraient sembler les insignifiantes qui sont les plus riches.

image 3L’intelligence du film est dans tous ces mariages réussis mais aussi dans le rythme maîtrisé du scénario. Il prouve qu’on peut maintenir un suspense sans multiplier les scènes chocs, les personnages hors du commun. La mort et la souffrance sont là, très présents, mais à peine montrés (tout juste un drap blanc que l’on replie sur un corps). L’intelligence est évidente dans la construction des personnages, dans leur épaisseur existentielle. Nous sommes dans la comédie, le divertissement, et pourtant les personnages sont ceux de l’étude sociale. Ils ont un passé, une profondeur sociologique et de caractère, une richesse dans les relations qui les ont fondés, une diversité qui appartiennent plus aux grandes fresques historiques et sociales qu’à la comédie légère. Le film a enfin l’intelligence de ne rien conclure, de ne rien imposer. Il laisse l’avenir de ses personnages ouvert comme il laisse le soin au spectateur de juger des oppressions sociales qui pèsent sur eux.

Le loup de Wall-Street

image 1J’ai vu le film hier et une nouvelle fois je me suis demandé pourquoi j’allais encore au cinéma. Ce n’est pas que le film soit mauvais mais j’en ai plus qu’assez de ces spectacles du dessous de la ceinture, du narcissisme du sujet moderne et de l’étalage complaisant des tares de l’époque.

La trame du film se voudrait l’histoire véridique d’un certain Jordan Belfort, un de ces escrocs qui ont fait fortune au moment où les bulles diverses maintenaient le système financier en alerte.  Mais on voit tout de suite  qu’il s’agit plutôt de l’histoire de ses fantasmes que de la vérité sur ses activités. Ses mémoires sont l’œuvre d’un triste sire qui s’imagine qu’il suffit de mélanger sexe et fric pour se faire encore de l’argent. Je crains hélas qu’il n’ait pas tout à fait tort puisqu’elles ont fait l’objet d’un film avant même d’être éditées et cela par un cinéaste de renom (Martin Scorsese) dont les fantasmes doivent sans doute être de la même eau.

Donc, le personnage principal (je ne peux pas dire le héros) est un jeune con de trader qui n’imagine pas d’autre but à sa vie que d’amasser de l’argent. Il fait ses classes dans un cabinet qui fait faillite au moment de la crise. Il a appris qu’un bon tradeur n’a aucun scrupule, qu’il vole sans vergogne et que pour être plus performant il se doit de se droguer et de s’adonner au sexe. Il s’agit d’abord du sexe du pauvre aussi jouissif qu’un verre d’eau tiède puisque la règle est de se masturber au moins deux fois par jour ! Mais Jordan est doué, il ne reste pas au chômage, il rebondit et se fait un nom dans le milieu des rapaces de seconde zone. Commence une ascension faite d’arnaques et de partouzes de plus en plus débridées.

J’avoue que j’ai décroché rapidement et que j’ai commencé à évaluer le dérangement que je causerais si je devais sortir de la salle. Faute de mieux je suis resté pour voir les faces blafardes des spectateurs qui contemplaient avachis dans leur fauteuil cette suite ininterrompue de baise sans joie, d’alcool, de prises de cocaïne, le tout agrémenté de dialogues qu’on peut résumer à la répétition du mot « fuck » sous toutes ses déclinaisons. Le fantasme suprême de l’auteur semble être de « niquer » (c’est le seul mot qui convienne) sur un lit couvert de liasses de billets, ceci dans un état second et sans autre perspective que de recommencer dès que la coke aura fait son effet de stimulation !

image 3La deuxième partie du film est plus supportable. Jordan Belfort commence sa chute et on l’attend avec impatience. Il s’assure tout de même le meilleur rôle au cours d’une scène où, suivant les conseils de son avocat il s’apprête à abandonner ses activités, mais y renonce après avoir rappelé à une collaboratrice qu’il l’a sortie du trottoir pour en faire une tradeuse avide et sans pitié. Il le fait avec panache en clamant un « j’ai cru en toi » !

Car il ne faut pas s’y tromper : ce film véhicule une idéologie. Celle dont un Tapie ou un Ségala sont les représentants en France. Celle qui mesure la valeur d’un individu à sa capacité à aller chercher le fric « avec les dents » ; celle qui méprise ceux qui travaillent et vivent honnêtement. Il va même plus loin puisqu’il présente la drogue comme un stimulant efficace et pourrait laisser croire aux naïfs que la cocaïne pourrait les rendre plus performants, qu’elle est l’ingrédient indispensable de la réussite. Pour cela seul, il devrait d’ailleurs être interdit car il est au moins aussi grave d’inviter à se droguer que de porter atteinte à la dignité d’autrui en faisant des plaisanteries de très mauvais goût !

Le contenu idéologique du film ne s’arrête pas là. Il se présente, ou on voudrait le présenter, comme une critique de la finance libéralisée et même du « système ». Seulement, si c’était cela la finance il suffirait d’une opération de police bien menée pour la mettre hors d’état de nuire et pour que tout rentre dans l’ordre.

La finance de Jordan Belfort se réduit aux gesticulations d’une bande de requins dans une sorte de centre d’appel. On est loin des salles de marchés et surtout des fonds d’investissement. Les victimes de cette finance sont eux-mêmes des rapaces de la finance. Tout le monde devrait savoir que le système financier est tout autre chose. Il est le symptôme d’une incapacité des capitaux à s’investir productivement tant ils sont concentrés et accaparés par une minorité qui prive le grand nombre des fruits de son travail. Elle est l’affaire de banques et de grandes fortunes qui multiplient les capitaux fictifs car il leur faut, par les mécanismes d’effets de levier, manipuler 1000 pour valoriser 100. Cette finance-là n’a pas dit son dernier mot : elle est parvenue depuis la crise de 2008 à doubler la masse monétaire et à refiler toutes ses dettes aux États. Rien à voir avoir les combines et les débauches d’un Jordan ! Il ne s’agit plus d’escroquerie mais de la ruine d’économies et de peuples entiers.

image 2Pour résumer, je dirais qu’il ne me parait pas utile d’encourager l’industrie du cinéma dans cette voie en allant voir ce film. Il serait bon de lui faire savoir que nous en avons assez de ses spectacles, que nous voudrions voir des œuvres qui stimulent l’imagination, la créativité et qui aident à vivre : des œuvres tournées vers l’avenir et une renaissance de la civilisation.

Les garçons et Guillaume, à table !

image 3J’ai vu le film cet après-midi. Ce que j’avais pu en percevoir par la bande annonce et ce que je pouvais en connaitre après la lecture de quelques critiques ne m’engageait guère à m’y intéresser. Qu’attendre d’un spectacle sur un thème dans l’air du temps ?  — La répétition des clichés bien-pensants qu’on nous sert partout, —  un numéro de donneur de leçon comme il s’en manifeste tant actuellement ? Ne sommes-nous pas dans un pays dont le gouvernement par une circulaire du 31 octobre 2012 a enjoint aux administrations de promouvoir les idées nouvelles d’identité de genre et d’orientation sexuelle ? Toute occasion est bonne : pour faire la publicité du Thalys, il a ainsi paru utile de présenter le lien entre Paris et Düsseldorf sous la forme d’un couple homosexuel. Il n’est pas une agence de publicité qui ne se sente obligée d’apporter sa pierre à ce martelage. Alors un film de plus pour quoi faire ?

image 1Et bien ce qui m’a plu dans ce film, c’est qu’il a eu l’habileté de prendre tout cela à contrepied. Guillaume a tout de l’homosexuel efféminé, et il semble d’abord qu’on est invité à trouver cela charmant, touchant, sympathique. On s’en réjouirait presque puisqu’il est dit que nous sommes entre gens de bonne compagnie, entre gens bien-pensants et que nous trouvons tous cela très bien. Nous n’avons que mépris pour des spectacles vulgaires comme « la cage aux folles », d’ailleurs nous ne l’avons pas vu (ou nous ne nous en souvenons plus) !Nous passons ainsi toute la première partie du film qui est une comédie gentille où sont vilipendés tour à tour la mère possessive, les machos de collège, les sportifs aux gros biscoteaux, les psys un peu fêlés, l’épreuve de la sélection pour le service militaire etc. Tout cela donne lieu à des séquences parfois hilarantes, d’autres fois émouvantes, certaines d’un humour caustique, toutes parfaitement réussies. Guillaume rencontre aussi des camarades bienveillants, il est accepté avec sa « différence » comme on dit aujourd’hui. On se réjouit donc tout en craignant un peu de vite s’ennuyer si cela doit durer encore longtemps. La relation de Guillaume avec sa mère est particulièrement bien réussie, peut-être parce qu’elle est ce qui est le plus autobiographique dans l’œuvre du vrai Guillaume.

Mais Guillaume vit dans le milieu de la grande bourgeoisie parisienne. Ce n’est que tardivement qu’il est confronté à la réalité de l’homosexualité. Et la bien-pensance en prend un sacré coup. Car oui les homosexuels sont comme tout le monde mais non pas comme le veut la vision de boy-scouts qu’on a pris l’habitude de nous servir ces temps-ci. Ceux que Guillaume rencontre sont du type de ceux que j’ai pu observer quand je travaillais sur les aéroports (milieu où ils sont nombreux) : des gens au comportement compulsif ou même prédateur. Pas du tout des sentimentaux qui rêveraient de fonder une famille « normale ». Dans le cinéma actuel, c’est presque un renversement ! Qu’on se rassure : on est encore loin d’un film comme « la chasse » que je me souviens d’avoir vu dans les années 80 et dont on ressortait secoué. Non tout se passe bien finalement et Guillaume sort intact de ses mésaventures.

image 2Le renversement  final est ce qu’il y a de plus réjouissant. Le spectateur attendait avec bienveillance de manifester sa largeur de pensée en donnant sa bénédiction aux débuts de la vie sentimentale de Guillaume aux bras d’un amant digne de lui. Mais voilà que tout est à nouveau renversé : c’est le regard d’autrui qui fait l’homosexuel. Ce regard est d’abord ici celui de la famille, de la mère, du père et des frères mais c’est aussi celui du spectateur. On nous rappelle, et c’est bien utile ces temps-ci car c’est presque oublié, que l’homosexualité n’est pas un état mais un comportement. Ce qui signifie qu’il résulte parfois d’un choix, parfois d’une éducation, le plus souvent des accidents de la vie et de quelques rencontres. Voilà donc que Guillaume fait son « coming out » comme on dit aujourd’hui. Il fait son coming out hétérosexuel ! Guillaume se marie avec une femme charmante qu’il a rencontré et qu’il a séduite.

Inside Llewyn Davis

image 1Passons vite sur ce que raconte ce film pour ceux qui ne l’aurait pas vu. L’histoire se situe au début des années soixante à New-York et plus exactement dans un endroit qu’on nous invite à considérer comme « mythique » : the village. Là un jeune barbu tente de vivre de la musique. Sa spécialité c’est le folk et son univers : une boite où on lui permet, comme à d’autres de se produire gratuitement. Il a pour agent un vieux bonhomme qui occupe une arrière-boutique où s’entassent tous les invendus de ses poulains.

Le film vient à peine de commencer, qu’on se demande ce qu’on fait là. Pourquoi va-t-on au cinéma ? Certainement pas pour ressortir cafardeux ou même carrément de méchante humeur comme quand on a vu « Inside Llewyn Davis ». Certaines critiques ajoutent « le looser magnifique » mais qu’est-ce qu’il peut bien y avoir de magnifique dans les glandouillages d’un type qui se fait insulter partout où il passe et qui insulte là où on le tolère ! Rien de magnifique, juste du minable et une heure trente de ce régime, c’est un peu pesant.

Je sais bien qu’on peut apprécier un film pour la qualité de sa narration. Seulement le procédé utilisé par les frères Coen est tout de même un peu usé. Deleuze aurait évoqué « une nouvelle forme de réalité, supposée dispersive, elliptique, errante ou ballante, opérant par blocs, avec des liaisons délibérément faibles et des événements flottants ». L’expression la plus juste, s’agissant de Llewyn Davis, est ici « errante ou ballante ». Le film est fait d’une suite de séquences séparées de temps vides. On comprend que ces séquences évoquent les vicissitudes, les aléas, qui font aller notre chanteur de New-York à Chicago puis de Chicago à New-York à la recherche d’un contrat qu’il n’a aucune chance de décrocher. La vraie vie de Llewyn est dans les temps vides, c’est alors qu’il colle le mieux à ce qu’il est : un pauvre diable qui s’imagine qu’avec un peu de voix et en rechantant quelques chansons depuis longtemps passées de mode, dont il ne connait parfois d’ailleurs pas l’auteur, il va pouvoir vivre et faire une carrière ! S’il regardait ceux qui pataugent dans la même mouise que lui, il verrait bien que c’est impossible.

image 2La narration des frères Coen reprend la ficelle du genre : la scène d’ouverture et la scène de clôture reviennent au moment où Llewyn se fait rosser. Le temps se referme ainsi pour mieux souligner le vide de l’errance du héros. Peut-être faut-il voir là un clin d’œil à la « narration temporelle et falsifiante » à la Deleuze : celle où le précédent et le suivant se confondent, où la cause et l’effet s’annulent. Mais c’est peut-être prêter beaucoup à un procédé aujourd’hui assez commun.  Sans doute s’agit-il plutôt et plus simplement d’établir une distance entre les narrateurs et leur personnage, une distance qui se voudrait sans doute ironique. Mais s’il s’agit d’ironie, alors c’est une ironie triste, une ironie chargée d’amertume. Le risque d’une telle distance, c’est qu’elle invite le spectateur à zapper. Il ne le peut pas car il est dans une salle de cinéma et qu’il est impoli de sortir pendant un film en dérangeant tout le monde. Il reste donc et son impatience s’accroit à chaque nouvelle séquence.

image 3Il y a tout de même quelque chose qui a retenu mon attention. Il faut être juste et le dire. C’est le destin du chat que Llewyn a, par mégarde, laissé échapper du domicile de ceux qui lui permettaient de dormir pour quelques nuits sur leur canapé. Le chat parvient finalement à retrouver son foyer et on en est content ! Lui au moins n’est pas un gland. Il a su se donner un but et l’atteindre. Bravo le chat donc !

Une dernière réflexion pour en finir avec cette triste affaire de chanteur en déroute et surtout une demande pressante : quand reverrons-nous des films qui nous stimulent, nous demandent de nous bouger pour faire avancer le monde dans le bon sens ? Il n’y en a qu’un seul actuellement sur les écrans et c’est « les jours heureux ». Si vous voulez aller au cinéma : allez donc voir « les jours heureux » !

Gravity

image 1Le mythe dit la vérité ; non pas la vérité d’un fait qui se serait passé dans une époque lointaine, comme il pourrait d’abord le laisser croire, mais la vérité cachée du monde présent. Ainsi Star wars, que l’on évoque volontiers pour le comparer à Gravity, révèle la face cachée de l’Amérique de Nixon et Reagan. C’est l’Amérique qui veut ramener le Vietnam à l’âge de pierre. Elle est ultra libérale, au service des puissants et dure pour les pauvres, agressive à l’extérieur. Avec Star wars, les représentants de la civilisation la plus avancée sont des princes et des princesses, des chevaliers à la manière médiévale. Leur noblesse est héréditaire et fondée sur leur supériorité raciale, sur ce pouvoir qu’ils ont, qui fait des autres (qui sont hommes singes ou robots) leurs serviteurs naturels. Ils luttent contre l’empire du mal. S’ils sont rebelles ou résistants c’est en référence à la rébellion sudiste. Leur monde est en guerre. C’est l’Amérique du « consensus de Washington », agressive économiquement et militairement et qui veut vaincre l’empire adverse en le réduisant par la force.

Mais l’ennemi d’hier s’est converti au libéralisme et sur bien des points l’élève dépasse le maître. Et voilà l’Amérique d’Obama en panne de mythe. C’est ce que nous dit Gravity. Quand le film commence, on découvre les deux protagonistes, Matt et Ryan, flottant dans le vide. Ils sont occupés à une tâche nécessaire mais sans gloire : détecter la panne qui rend aveugle le satellite Hubble. Rien d’exaltant là-dedans. D’ailleurs ils n’ont rien de héros. Matt drague gentiment sa collègue, juste pour la soutenir puisque c’est sur elle que repose toute la mission et qu’elle peine à résoudre le problème. Il l’interroge sur sa vie sentimentale mais la sienne ne semble guère plus brillante. Nous apprenons que Ryan est seule. Elle a eu une petite fille mais qui est morte à l’âge de quatre ans en faisant une chute dans la cour de récréation. Nous avons donc là deux personnages que le scénario va ramener à ce qui apparemment fait selon lui l’essence humaine : des homo-economicus. L’un satisfait, l’autre tourmenté.

Voilà, en effet, que la crise survient où plutôt que les russes ont détruit un de leur satellite dont les débris ont provoqué une réaction en chaîne. Il faut se mettre à l’abri. Un petit problème technique retarde Ryan, elle est emportée dans l’espace, où qu’elle se tourne elle ne voit qu’une immensité vide et glacée. Son collègue la soutient, la calme et entreprend de la ramener au vaisseau. Elle y parvient, s’y accroche mais à ce moment, il est lui-même emporté loin dans le vide. Il va l’entrainer dans la mort. Malgré ses protestations, il fait un choix héroïque : il se détache et s’enfonce dans la nuit glacée. Mais sur quoi se fonde son héroïsme ? Il le dit clairement : sur un calcul utilitaire, celui du moindre mal. Il vaut mieux qu’un seul meure plutôt que les deux, voilà tout ! On peut voir là l’expression d’une espèce d’éthique de l’économie : les premières scènes montraient Matt dilapidant inutilement le gaz de propulsion de son scaphandre pour distraire sa collègue. Celle-ci au contraire a su se maîtriser et ménager sa réserve d’oxygène. Pour survivre en temps de crise, il faut savoir rester rationnel dans ses choix ! Matt a enseigné les bons préceptes mais il ne les a pas appliqués !

image 3Matt meurt, Ryan va survivre mais pour cela, elle doit suivre les recommandations de son collègue. Je ne raconterai pas plus le film, ça ne se fait pas, mais il faut juste savoir que Ryan va se trouver à nouveau face à un choix comme les aime l’utilitarisme. Si elle utilise le module où elle se trouve pour retourner sur terre, elle risque fort d’échouer et de trouver la mort dans les flammes. Si elle reste, elle mourra doucement d’inanition faute d’oxygène. Elle renonce car entre dans son calcul l’idée qu’elle va retrouver sa petite fille au paradis. Elle ferme l’alimentation du vaisseau et attend la mort. Quelque chose que je ne dirai pas, (ceux qui ont vu le film savent de quoi il s’agit), quelque chose donc ou plutôt quelqu’un la détourne de ce choix. Elle va tenter de rejoindre  la station spatiale chinoise. Elle y parvient et peut envisager de se risquer à rejoindre la terre.

La croyance religieuse entre dans son calcul. Mais ce n’est pas une croyance exaltée à la façon de Pascal. Son calcul ne comprend pas de grandeur infinie comme le pari Pascalien. Sa croyance a plutôt l’allure d’un placement sans  risque. Comme tout bon épargnant diversifie son portefeuille et garde en réserve  des valeurs qui ne rapportent rien mais peuvent sauver la mise en cas d’effondrement, son dieu n’est d’aucune utilité immédiate. Elle ne le prie pas car elle sait très bien qu’il ne peut rien pour elle. Il n’est au fond que le très libéral gardien du paradis. Sur ces bases, le calcul est simple et pratique. Ryan postule que Matt est en chemin pour le paradis mais il est encore suffisamment près pour qu’il l’entende. Elle le charge d’aller voir sa petite fille et lui dire combien elle l’aime. La balance penche ainsi de nouveau du côté de la survie puisque le plus fort argument qui pesait pour la mort vient de tomber. Ryan sera sauvée.  Il n’y a rien de grand dans ses raisons de vivre. C’est juste le plaisir immédiat de sentir un sol sous ses pieds, un ciel bleu au-dessus de soi, d’avoir un corps qui pèse mais qui est vivant.

image 2Voilà donc un film pour les temps difficiles. Comme nous sommes loin de l’optimisme de Star Trek par exemple. Star Trek dépeignait un futur optimiste, utopique, dans lequel l’humanité avait éradiqué la maladie, le racisme, la pauvreté, l’intolérance et la guerre sur Terre. C’était une humanité unie à d’autres espèces intelligentes de la galaxie dans une sorte d’ONU. Les personnages exploraient l’espace, à la recherche de nouveaux mondes et de nouvelles civilisations et s’aventuraient « là où aucun homme, là où personne, n’est jamais allé ». Le problème de Gravity, c’est seulement de rentrer à la maison et c’est un problème dans la mesure où on ne sait pas pourquoi rentrer à la maison, il n’y a pour cela aucun mythe mobilisateur, aucun avenir radieux, pas de lendemains qui chantent. C’est jusque mieux que le vide intersidéral où il fait noir dans quelque direction qu’on se tourne : pas plus d’avenir que de présent, rien qu’un froid de 125 degrés en dessous de zéro.

Il n’y a guère de chance de voir les enfants jouer à Gravity dans les cours de récréation, comme ils ont pu jouer à la guerre des étoiles. Les héros mobilisateurs, même inspirés par le néo libéralisme, ont des attributs : l’épée laser, un costume noir ou blanc avec une cape. Tandis que l’héroïne de Gravity n’a que des problèmes qu’elle tente de résoudre par le calcul du moindre mal. Elle va de refuge en refuge comme l’américain pris dans la crise, qui n’ayant pu sauver sa maison, tente d’en trouver une autre moins couteuse. Rien d’exaltant pour la jeunesse donc !

Mais vous pouvez tout de même aller voir Gravity pour le spectacle. Pour le contenu préférez-lui « les jours heureux » !

Les jours heureux

image 1Les jours heureux : il s’agit du titre d’un film documentaire de Gilles Perret sorti sur les écrans mercredi dernier, mais il s’agit aussi et surtout du titre donné au programme du CNR, c’est-à-dire au programme de la résistance française unifiée.

Le film retrace l’histoire de ce programme. Son scénario décrit une courbe qui monte d’abord et retombe. Il invite le spectateur à refermer cette courbe pour reprendre le mouvement ascensionnel et l’accomplir.

Premier mouvement : Jean Moulin ancien préfet déchu par Vichy a entrepris de faire l’inventaire des groupes de résistance en zone sud. Ce travail effectué il a rejoint le général de Gaulle à Londres. Jusqu’à  ce moment de la guerre, de Gaulle, qui avait lancé un appel à le rejoindre, n’avait pas conscience de l’ampleur des mouvements de résistance qui s’étaient organisés. Il a tout de suite compris qu’il devait les unifier et qu’il était le seul à avoir une visibilité internationale. Sa position le lui permettait et son premier atout était qu’il était en mesure de fournir armes et financements. Jean Moulin retourne en France, cette fois pour faire l’inventaire des mouvements en zone nord et pour convaincre l’ensemble des mouvements d’accepter l’autorité du général de Gaulle. Cela ne s’est pas fait sans difficulté.

Le deuxième mouvement c’est la négociation du programme du CNR. Les mouvements de résistance ne pouvaient accepter la direction du général de Gaulle que si ses objectifs étaient clairs. Sur quel programme allait se faire l’unification ? Voilà toute la question. L’ensemble des mouvements de résistance se classaient à gauche et même, selon les critères actuels, à la gauche de la gauche. Il y avait bien dans les rangs des résistants quelques individualités issues de la droite et même de l’extrême droite d’avant-guerre (des maurassiens en particulier) mais ils étaient très minoritaires et avaient beaucoup évolué sous l’influence de leurs camarades résistants.  La grande masse des résistants était issue des rangs de la classe ouvrière. Le parti communiste était la force la plus nombreuse et la plus active. Il était représenté sur le plan militaire par les FTP et sur le plan politique par le Front National. Le parti communiste n’a accepté de se rallier à de Gaulle que sur la base d’un programme qu’il a âprement discuté.

La première partie du film retrace toute cette histoire de façon vivante par la voix d’anciens résistants comme Léon Landini des FTP MOI et Raymond Aubrac pour Libération Sud. C’est une histoire de souffrance, de violence et de courage. Une histoire d’hommes et de femmes sans visage (sinon pour certains quelques vieilles photos). Il ne reste rien des cinquante-deux camarades de Léon Landini, tous morts sous la torture et dont aucun n’a parlé.

image 2Discuter d’un programme dans ces conditions aurait pu paraître superflu. C’était en fait essentiel. Tous les résistants étaient d’accord là-dessus. Ils ne se battaient par pour eux-mêmes, ils n’acceptaient de mourir que conduits par la certitude que leur victoire permettrait l’avènement d’un monde pacifié et enfin libre. Ils étaient utopistes, mais peut-on mourir pour autre chose qu’un projet qui nous dépasse.

La deuxième partie du film partie retrace les discussions qui ont abouti à la signature du programme du CNR. La première et la seule réunion plénière s’est tenue en novembre 1943 au prix de risques insensés. Les discussions se sont ensuite déroulées par l’intermédiaire de cinq délégués. Certains groupes s’opposaient à ce que les partis politiques soient représentés mais c’était compromettre la validité de l’accord final. L’accord s’est fait sous l’égide du général de Gaulle pour inclure les partis politiques non compromis dans la collaboration et les organisations syndicales CGT et CFTC. Le premier projet d’accord était d’orientation socialiste. Le Parti Communiste s’y est fortement opposé. Il voulait un accord qui rompe nettement avec les politiques d’avant-guerre même s’il ne constituait pas une rupture avec le capitalisme. Après d’âpres négociations, l’accord s’est fait le 15 mars 1944 sur un programme dont tout un chacun peut facilement trouver le texte complet sur internet.

Il comportait les points suivants : « le retour à la Nations des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques », « le droit au travail et le droit au repos », « un plan complet de sécurité sociale », « la sécurité de l’emploi », la « retraite » pour tous, et une instruction égalitaire « afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises » « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances de l’argent et des influences étrangères ».

image 3Ce programme n’est pas resté lettre morte puisqu’il a permis les mesures suivantes : La réforme de la fonction publique et la création de l’Ecole nationale d’administration (1945), la nationalisation des usines Renault et de 4 grandes banques (1945), la loi de nationalisation du gaz et de l’électricité (1946), la nationalisation des combustibles minéraux (1946), la nationalisation des Charbonnages de France (1946), la création des comités d’entreprises (1945), la création de la sécurité sociale (1945), la création du SMIG (1950), la nationalisation de 34 compagnies d’assurances (1946), la création de l’assurance-chômage (1958), la création du minimum vieillesse (1959), la nationalisation des 9 plus grands groupes industriels et de 36 banques (1982).

Mais il suffit d’énumérer toutes ces mesures pour se rendre compte que tout ce que ce programme a permis est aujourd’hui défait et que ce qui en reste est attaqué. Le patronat n’a pas attendu les déclarations de son représentant Denis Kessler pour en vouloir la destruction. Toute la fin du film alerte sur ce démontage. Les séquences finales sont des interviews des principaux leaders politiques actuels. Elle met en évidence toute leur ignorance, leur mauvaise foi, leurs intentions réactionnaires. C’est en creux un véritable appel à se réveiller, à rappeler qu’il n’est pas acceptable que ce qui était possible dans la France des années quarante, dans une France dévastée et ruinée, ne soit plus possible dans la France du vingt et unième siècle qui est un  pays prospère dont les travailleurs sont parmi les plus productifs au monde.

Car ce film, qu’il faut absolument aller voir, n’est pas un film d’histoire. Il lance une campagne qui doit se développer dans les prochains mois pour revenir au programme du CNR dans son esprit et dans l’essentiel de sa lettre.

Les critiques discutent sur la qualité cinématographique de l’œuvre. Quelle pauvreté d’esprit. Le film est bon d’ailleurs quoiqu’en disent certains mais ce n’est vraiment pas le problème. La question c’est : allons trahir les aspirations de ceux qui se sont sacrifiés pour la patrie et pour le progrès social ou allons-nous, dans des conditions bien moins difficiles, reprendre le flambeau et exiger la réactualisation du programme du CNR et son application ?

Blue Jasmine

image 2Le problème avec Woody Allen, c’est qu’il a bien trop de métier. Il connait à fond toutes les recettes pour faire un bon film ou du moins un film agréable. Ses dernières œuvres les avaient utilisées avec trop de facilité : aventures amoureuses de jeunes et belles américaines, richissime artiste, impétueuse et talentueuse épouse.  Un père milliardaire et poète, des soirées inoubliables et des séjours de rêve dans «  Vicky Christina Barcelona ». Un Paris de carte postale dans  « Minuit à Paris », le défilé de toutes des références culturelles les plus consensuelles. Là aussi talent et fortune, beauté et intelligence, bien au-dessus de la lourdeur universitaire.

Woody Allen sait mieux que personne comment construire un scénario qui ne peut que fonctionner. La première règle est d’avoir une thématique et d’en exploiter toutes les dimensions. Ainsi « Whatever Works » explore toutes les formes du couple et de la sexualité mais avec la désinvolture et la liberté que permet l’exploration du petit monde branché New-Yorkais qu’il excelle à peindre : différence d’âge, polyandrie, homosexualité, le tout sur fond de décomposition du couple « bourgeois ». Tout cela pour aboutir au plus convenu : rien ne vaut un couple de jeunes gens, beaux, intelligents et riches !  Dans « vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu » c’est le jeu de dupe des couples qui se font et se défont : comédie ironique qui permet de jouer sur les temps, les milieux, les destins, de mêler tragédie et comédie sur fond d’intrigue à suspense.image 3

Blue Jasmine reprend tout cela autour d’un thème qui permet lui aussi d’osciller de la comédie à la tragédie en gardant toute la distance que permet l’ironie : la confrontation de deux milieux – riche et pauvre – avec un renversement de valeur qui ne peut que combler d’aise le spectateur : Ginger et Jasmine ont été élevées ensemble, elles ont été adoptées. Jasmine est toute en apparence : assurance de celle qui a réussi, vernis de culture de celle qui a voyagé et a pu chiner et collectionner autant qu’elle a voulu. Elle a épousé Hal un homme d’affaire dont la réussite n’a été que course à l’abîme. Ginger n’a rien connu de tout cela. Elle vit à San-Francisco dans un quartier populaire. Elle est caissière dans un magasin de quartier, elle a pour fiancé Chili, un prolo avec des goûts, une allure et un cœur de prolo.

Donc le mari de Jasmine est un Madoff qui l’entraine dans sa chute. Il se suicide, elle est ruinée, sans domicile, sans métier, sans aucun talent. Le film commence quand la voilà qui débarque avec ses bagages Vuiton chez sœur. Et c’est là qu’est toute la force du scénario : Jasmine n’est qu’imposture, sa vie, sa réussite, son assurance n’ont été qu’imposture. Derrière Jasmine, il y a Jeannette, un être fragile, désemparé, incapable de sortir de ses mensonges et de s’assumer. Ginger apparait alors, non comme une fille simple mais comme celle à qui la vie et ses difficultés ont appris. Tout le jeu du scénario va tourner autour de cette opposition qui ne cessera de se creuser et de s’approfondir. Jasmine ne pourra pas s’en sortir. Elle est déjà SDF : elle radote, elle ment et se ment à elle-même. Ginger, sans doute, trouvera sinon le bonheur, au moins l’équilibre. Elle est sincère et généreuse. Comment ne pas applaudir.

image 1Woody Allen a l’habileté d’éviter toute critique sociale sérieuse. Ce n’est pas le monde de la finance qui est accusé, c’est seulement « l’inauthenticité ». Au fond les vrais riches, les vrais hommes d’affaires sont tout autant victimes des escroqueries d’Hal que l’ancien mari de Ginger. Ils le sont même plus s’il s’agit des montants en cause. Et puis cet argent perdu par le mari de Ginger n’était qu’un petit pactole gagné à la loterie. Chili, son nouvel amour, aime la bière et le football, il s’habille mal, il parle mal et peut être brusque, mais c’est un brave type dont la tendresse est sincère. L’ironie de Woody Allen nous invite à nous reconnaitre ni dans l’un ni dans l’autre. Nous, spectateurs, ne sommes-nous pas au-dessus de ce petit monde. Ne sommes-nous pas du côté de l’authenticité mais aussi du côté du véritable bon goût et de la culture. Comment ne pas nous sentir flattés et ne pas accepter l’invitation.

Le scénario permet aussi les allers retours dans le temps. Jasmine parle toute seule et c’est le signal du basculement dans son passé ou dans ce qu’elle en fantasme. Mais rapidement ce procédé n’est plus nécessaire. On voit tout de suite à dans quelle époque on se situe. Le rythme du film est ainsi très alerte et évite toute longueur et tout didactisme. Il évite aussi ce qui ce qui a été reproché aux précédents films de Woody Allen : les images trop belles, ces panoramiques sur des demeures luxueuses, sur des paysages enchanteurs. Il semble que Woody Allen ait cherché et trouvé la bonne dose. Saura-t-il la garder avec son prochain film « Magic Moonligth » dont on sait seulement qu’il se passera dans le sud de la France à la Belle Epoque. Attention danger : trop de facilités peut-être.

Le majordome

image 1Ce film, conçu par un noir américain (Lee Daniels), est comme une médaille à double face. Côté pile c’est un film intimiste qui raconte la vie difficile de Cecil Gaines un enfant noir venu du sud violemment raciste. Sa mère est violée et son père assassiné par leur employeur. Lui bénéficie de l’ignoble charité de la maitresse de maison : il devient « nègre de maison » c’est-à-dire valet, homme à tout faire dont le premier devoir est d’être invisible (se taire, tout accepter, être corvéable à merci). Au sortir de l’enfance, il quitte le domaine où il a grandi pour tenter de joindre les Etats du nord qu’il imagine moins racistes et moins ségrégationnistes. Mais il comprend vite que si la violence y est moins directe, elle menace à tout moment et qu’il ne pourra survivre qu’en se faisant invisible, en cachant ses sentiments et en ne montrant au monde des blancs que la face bienveillante qu’un noir soumis et inoffensif. Il  trouve un emploi d’homme à tout faire dans un hôtel de luxe et à force d’application il parvient à des postes toujours plus enviables. Il est serveur dans un palace à Washington quand il est remarqué par le gestionnaire de la Maison Blanche et s’y trouve embauché comme majordome. Il servira sept présidents, toujours avec la même discrétion, la même déférence qu’il a si bien intégrée qu’elle lui colle à la peau et ceci toujours avec un salaire inférieur de 40% à celui des blancs occupant un poste similaire. Sa femme vit moins bien cette vie d’esclave bien nourri et à souliers vernis. Elle sombre dans l’alcoolisme. Il peut tout de même donner une bonne éducation à ses enfants, même s’ils n’accèdent qu’aux écoles et universités « pour noirs ». Son plus jeune fils croit qu’en acceptant de participer à la guerre du Vietnam, il sera utile à son pays et pourra en recevoir un peu de reconnaissance. Il est tué et n’a droit à rien d’autre qu’à une place dans un cimetière militaire et à une salve d’honneur pour ses obsèques. L’aîné est parti étudier dans le sud. Il participe activement aux luttes pour l’égalité, d’abord avec Martin Luther King puis avec les Blacks Panthers. Il est arrêté, battu et frôle la mort de multiples fois. Il devient dur, intransigeant, et s’oppose violemment à sa famille. Son père ne le comprend pas et le chasse. Celui qui n’était d’abord qu’un jeune homme révolté est devenu un militant aguerri. Il a la lucidité de quitter à temps les Blacks Panthers pour passer à une lutte exclusivement politique. L’impeccable majordome, qu’est Cecil Gaines, a essuyé de multiples fois le refus de voir son salaire aligné sur celui de ses collègues blancs. Surtout il a vu de l’intérieur la politique américaine et sait bien que l’intérêt des politiciens blancs pour les noirs s’arrête à leur volonté de capter leurs votes. Il fait lui aussi son chemin, se réconcilie avec son fils et même le rejoint dans son combat contre l’apartheid en Afrique du Sud. Sa femme alors revient peu à peu vers lui.image 3

Tout cet aspect du film est mené avec intelligence et sensibilité. On ne peut qu’y applaudir. C’est le côté face de la médaille. L’autre côté, le côté pile, appelle plus de réserves. Non pas qu’il ne soit pas bien filmé, au contraire, mais il est bien trop américain : politiquement naïf, si ce n’est hypocrite. On voit la politique américaine de l’intérieur à partir des conversations que Cecil Gaines entend, impassible et invisible, dans le bureau ovale de la Maison Blanche. A croire ce qui se dit là, on pourrait s’imaginer que les présidents découvrent l’ampleur de la violence raciste en arrivant au pouvoir. Que ce soit Eisenhower, Kennedy, Johnson, Nixon et Reagan (qui sont ceux mis en valeur dans le film), tous apparaissent plus ou moins sincèrement soucieux d’en finir avec l’apartheid. Ils sont montrés comme étant tous, au fond, animés de bonnes intentions. Qu’ils aient voulu en finir avec l’apartheid, et en particulier Kennedy, c’est certain.  Mais n’y étaient-ils pas contraints aussi pour éviter que le pays n’entre dans une période de luttes sociales aux conséquences imprévisibles. L’opposition à la guerre du Vietnam et la lutte contre la ségrégation raciale risquaient de se nourrir l’une l’autre pour déboucher sur une remise en cause du système lui-même. L’exemple d’Angela Davis est symptomatique à cet égard (elle est d’ailleurs ignorée dans le film). Et puis l’apartheid ne limite-t-il pas la concurrence entre salariés en empêchant de fait ou de droit les noirs d’accéder à certains métiers et de ce point de vue n’allait-il pas à l’encontre des intérêts de certains employeurs ? Il est connu qu’il a été une des causes du ralentissement de l’économie américaine surtout dans les Etats du sud. Le contexte international ne pouvait que faire craindre un basculement d’une partie de l’opinion vers le communisme. C’est dédouaner à bon compte un système et un pouvoir qui doit sa puissance à la division entretenue par la question raciale dans les classes populaires que de croire que la moralité et les qualités humaines des dirigeants étaient pour quelque chose dans leur volonté de faire respecter l’égalité civique. Avec la question de la différence de salaire entre blancs et noirs, le problème des inégalités était bien posé et s’y révélait le cynisme des pouvoirs en place. Le film ne montre pas clairement la raison pour laquelle les présidents successifs se refusent l’un après l’autre à la reconsidérer. C’est l’administrateur de la Maison Blanche qui semble seul en cause dans les refus essuyés par Cecil Gaines , ce qui est une façon facile d’évacuer le nœud du problème. S’ils combattent les formes violentes du racisme, les présidents maintiennent tous l’un après l’autre ce qui en fait la base et ce en quoi les ultras riches, ceux qui possèdent l’essentiel des richesses du pays et ont la main sur l’appareil productif, y trouvent leur intérêt. A la fin du film, l’arrivée d’Obama est montrée comme l’avènement d’une Amérique enfin juste et débarrassée du racisme. Quelle naïveté ou quelle tromperie ! Quand on voit ça, on ne peut que se dire que le poids idéologique du système est si fort aux Etats-Unis qu’il ne peut s’y concevoir que des œuvres qui sauvent la domination des grandes banques, des grands industriels, de ceux-là même qui sont les seuls à tirer profit de la division raciale. Avec les présidents, tous si soucieux de combattre le racisme, c’est le passé qui est absout de toute faute : tout retombe sur les brutes stupides du sud profond. Avec Obama c’est le système de domination actuel qui est exonéré de toute imperfection, comme si Obama n’avait pas été élu avec les fonds de Goldman Sachs et comme si tout à coup plus personne n’avait intérêt à faire perdurer la division des couches populaires. Bref, il arrive un moment où la naïveté devient douteuse et ne peut plus être considérée que comme faute ou même comme une forme de complicité. Hélas sur ce plan, le film est à l’image de tout ce qui se produit actuellement : une chape de plomb pèse sur le monde de telle façon que ce qui fait sa vraie nature est occulté. Quand verrons-nous de vraies œuvres capables de poser clairement et ouvertement les vrais problèmes de notre temps ?image 2

Elle s’en va

image 1’ai vu ce film hier et je ne sais qu’en dire. Il commence ainsi : la caméra découvre les façades et les rues vides d’une bourgade de province. Le granite des murs, la présence d’une crêperie et le style de l’église laissent supposer qu’on est quelque part en Bretagne mais sans doute pas en bord de mer. Le temps est ensoleillé, peut-être faut-il situer l’action qui commence au printemps dernier. Dans un restaurant le personnel s’affaire autour de quelques clients, peut-être est-ce la crêperie vue un instant avant ? On reconnait évidemment Catherine Deneuve. Un échange avec la serveuse plus jeune nous apprend qu’elle est une patronne bienveillante ou plutôt indifférente. Une seconde scène, cette fois à l’heure du coucher, permet de comprendre que la personne qui tenait la caisse est sa mère, une mère sans doute trop protectrice mais surtout trop présente. C’est l’indiscrétion de la mère qui permet de lancer l’action : je ne me souviens plus trop comment cela est amené mais elle apprend à sa fille que son amant la trompe avec « une jeunette de vingt-cinq ans qui lui a fait un enfant dans le dos ». Tout cela reste très flou, presque incongru. On sait, ou plutôt pour ce qui me concerne on suppose, que Catherine Deneuve a près de soixante-dix ans. Dans le film, elle est Bettie. Elle a été miss Bretagne en 1969. Elle avait alors dix-neuf ans : elle est donc née en 1950 et devrait avoir soixante-trois ans. Mais tout cela ne vient qu’au détour de phrases ou de situations tout au long du déroulement du film. L’amant médecin n’est qu’un prétexte, un personnage improbable. Quel âge peut-il bien avoir ? La relation des deux amants reste vague : ils se voyaient une fois par mois (mais quand Bettie dit cela, rien ne permet d’affirmer que c’est la vérité). C’est là tout le problème du film : les situations improbables s’enchainent à partir d’incidents et de rencontres aléatoires ou incongrues ou à la suite d’évènements saugrenus montrés ou évoqués comme la mort cocasse du mari de Bettie ou la mise sous séquestre de son restaurant et le blocage de son compte (je ne connais pas bien la législation en matière de cessation de paiement mais je doute qu’un tel excès sans préavis soit possible !).image 2

Le premier fil des pérégrinations de Bettie dans sa vieille Mercédès est la recherche de cigarettes. Il faut tout le talent de Catherine Deneuve pour donner un peu de vie et de véracité à tout cela. Mais ce n’est qu’au prix d’un procédé qui devient assez rapidement irritant. Elle est constamment filmée en gros plans. Elle fait le tour de sa voiture pour prendre le volant : la caméra la suit et tourne avec elle, se baisse avec elle. Quand elle conduit (et elle conduit beaucoup), la caméra est tantôt dans la voiture (sa silhouette occupe alors le côté gauche de l’écran) ou bien la caméra est à l’extérieur (peut-être fixée au capot ou dans un véhicule). Il s’agit d’insister sur l’errance du personnage dont il faut penser qu’elle est l’expression de son désarroi. Le gros plan laisse le paysage dans le flou, des panneaux indicateurs passent sur l’écran sans qu’on puisse les lire, il ne parait y avoir alentour aucune agglomération dans laquelle il aurait pu être un peu raisonnable d’espérer trouver un bureau de tabac ouvert (on a appris, je ne sais plus trop comment, qu’on est un dimanche soir). Le procédé permet de multiplier les personnages pittoresques : un vieux paysan dont les doigts épais peinent à rouler une cigarette. On partage l’impatience de Bettie même si c’est pour un tout autre motif. Il est seul dans sa ferme (on le suppose en retraite), il n’a jamais été marié. Selon ce qu’il dit, étant jeune, il a eu une « copine » qui est morte de la tuberculose à l’âge de vingt et un ans en lui faisant promettre de ne jamais se marier. Ainsi est éludé (et même évacué) tout ce que la scène aurait pu porter de la solitude accablante et de la souffrance paysanne dans un pays qui veut les ignorer. Cela n’est qu’un exemple des procédés d’évitement que multiplie le scénario. Bettie échoue ensuite dans un bar nocturne où, dans une ambiance de saloon, se déroule un concours de fléchettes. La voilà tout de suite qui se joint à un groupe de femmes de son âge, semble-t-il des habituées, des célibataires et fêtardes en goguette. Elle est aussitôt remarquée par un improbable dragueur qui la soule d’alcool et des habituelles flatteries dont on elle rit mais auxquelles elle finit par céder. Son errance aurait pu s’arrêter là si l’action n’était pas relancée par un coup de téléphone de sa fille qui voudrait qu’elle garde son enfant. On apprend que cette fille a des relations plus que tendues avec sa mère (cela depuis la plus tendre enfance) sans que l’origine de cette hostilité puisse être bien comprise. Cette fille apparaitra dans les  dernières scènes du film. Elle reste jusque-là un personnage assez vide : elle a un enfant de onze ans, elle cherche du travail depuis des années sans succès. Elle habite du côté de Limoges, si j’ai bien compris. Son mari, ou du moins le père de l’enfant, l’a abandonnée depuis la naissance du petit. Tout cela parait faire beaucoup et même trop pour qu’on puisse lui donner une profondeur psychologique.

image 3Bref, je ne vais pas raconter tout le film : c’est un « road-movie » qui use avec succès de tous les procédés du genre (gratuité des situations, pittoresque des rencontres, improbabilité des personnages) mais qui manque pour l’essentiel ce qui fait sa force (savoir saisir l’atmosphère d’une époque, d’une région ou l’esprit d’une génération même si cela est souvent biaisé idéologiquement). Le film tranche seulement avec les poncifs du genre par l’âge des personnages et par la « liberté » avec laquelle leur sexualité est évoquée sinon montrée. Il use et abuse, par ailleurs de trop d’évitements. Il agace en multipliant des gros plans qui fonctionnent trop clairement comme procédé d’évitement. Il est construit pour laisser les contextes dans le flou, pour échapper à toute description d’un milieu, d’une sociologie, d’histoires et de biographies un peu étoffées.

 Je ne suis pas un fanatique de l’unité d’action et de lieu, mais tout de même, il me semble que le scénario aurait gagné à s’en tenir à un argument plus simple, à une plus grande unité dans les types de personnages croisés, à plus de profondeur sociale et biographique : ici on va du vieux paysan célibataire (volontaire ?), au dragueur de dames âgées, pour passer à la fille révoltée (sans cause !), au grand père bourru (candidat FN aux municipales et maire sortant ?) en passant par quelques gourous décatis de la mode (qui veulent faire un calendrier sexy des miss régions 69 !?). On a croisé un gardien de supermarché compatissant : j’en passe et j’en ai manqué sans doute mais ce n’est pas grave car ce genre de film me parait fait pour passer un bon moment et être oublié sitôt vu.

Le passé

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Ceux qui veulent à toute force se marier pour fonder une famille devraient en être dissuadés s’ils voient le film « le passé ». La famille s’y montre dans tous ses états. Car ce qui ne passe pas, ce n’est pas le passé, c’est la famille, ou du moins ce qu’il en reste. Elle n’est pas belle à voir cette famille où l’on s’y reprend à trois fois pour aller de mal en pis. D’abord un premier mariage d’où naissent deux enfants. Mais le père est parti, nous ne saurons pas dans quelles circonstances. Il vit maintenant à Bruxelles. Ses enfants ne le voient plus. Un deuxième l’a remplacé. Il a tenu lieu de père quelques années, puis il est parti aussi. L’explication est un peu curieuse : émigré iranien, il avait le mal du pays au point de déprimer et de tout abandonner pour rentrer chez lui. S’il revient c’est, à la demande de son ex-femme, pour officialiser le divorce. Elle veut refaire sa vie (comme on dit) avec un troisième. Mais cela ne va pas bien se passer car la fille ainée le rejette.

Ce troisième homme est déjà marié. Il gère un pressing non loin de là. Il a un fils encore petit qui n’accepte pas d’avoir à changer de vie, de maison, de maman. Comment pourrait-il comprendre que sa mère a voulu se donner la mort, qu’elle est aujourd’hui à l’hôpital dans un profond coma dont on ne sait pas si elle pourra sortir un jour.  Elle était dépressive et son mari voudrait se persuader que c’est ce qui a provoqué son geste fatal. Mais les fautes ne s’oublient pas si facilement. La culpabilité gâte toutes ses relations. Il la transmet comme une maladie.   Elle se distribue d’abord sur celle avec laquelle il voudrait vivre, puis sur sa fille ainée qui, dans l’espoir que cela briserait leur relation, a fait suivre à l’épouse délaissée les mails que sa mère échangeait avec le mari infidèle. Puis la faute retombe sur l’employée du pressing, une jeune iranienne sans papiers : c’est elle qui a donné l’adresse mail de l’épouse car elle a pensé qu’elle avait en elle une ennemie. Quand le mari comprend que cette affaire de mails transférés n’y est pour rien, qu’ils n’ont pas été lus, sa faute lui renvient amplifiée de tous ses avatars. Il doit bien reconnaitre que le premier coupable c’est lui et lui seul. C’est lui qui trompait sa femme en voulant croire qu’elle ne verrait rien. Elle n’avait rien vu, c’est vrai, mais elle avait deviné. Seulement elle s’est trompée : sa rivale n’était pas l’employée pour laquelle son mari avait un peu d’amitié mais une autre, une cliente du pressing, une française, qu’elle ignorait.

La famille et son destin sont construits sur l’erreur. L’épouse délaissée s’est trompée sur celle qui était sa rivale. Elle a cru se tuer devant elle et n’a fait que brouiller le sens de son geste. La fille ainée a voulu briser les amours de sa mère en les révélant à celle qui était trompée mais c’est à l’employée qu’elle s’est adressée et non à l’épouse. Mais l’erreur vient de plus loin encore : de celui qui a cru qu’il pourrait vivre en France, y fonder une famille, mais qui l’a quittée parce qu’il ne pouvait pas l’assumer ; de l’épouse abandonnée qui croit refaire sa vie mais qui répète le passé : celui qu’elle aime est lui aussi iranien, il ressemble au premier. Mais cette fois, c’est la faute partagée qui rend leur nouveau départ impossible.

L’infidèle doit l’admettre finalement. Il le comprend et voudrait revenir vers sa femme, la sortir du coma. Si elle sent son parfum, peut-être manifestera-t-elle une lueur de conscience qui permettrait d’espérer. Le médecin lui a dit que la mémoire olfactive est la plus profonde. Mais c’est une erreur encore qui brise ce qui lui restait d’espoir. Il attendait que son épouse étreigne un peu sa main en le sentant se pencher vers elle. Mais cette main reste morte. Il n’a pas vu la larme qui a coulé du visage inerte. Il croit tout perdu au moment où il y avait un espoir. Le film se termine là-dessus.

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On voit bien que tout va continuer ainsi. Les enfants continueront à être ballotés dans les histoires des adultes. Ils continueront à souffrir sans pouvoir l’exprimer autrement que par des colères, des révoltes sans suite et surtout un grand manque de confiance en l’avenir. C’est d’abord pour eux que le passé n’arrive pas à passer.

Tout cela est bien déprimant pour un jour de pluie. Pourtant le film est loin encore du réel. Le milieu des iraniens de Paris est fraternel. La famille est déchirée mais elle vit bien,  dans un pavillon modeste mais confortable. Elle est à l’abri des vents mauvais qui assaillent tant d’autres familles : environnement dégradé, délinquance, drogue, sous culture urbaine. Elle échappe même à l’envahissement par les médias de masse : télévision et jeux. Le film élude le pire.

image 2Peut-être est-ce pourquoi les critiques sont si volontiers positives. L’article de Télérama se termine par cette question en forme de certitude :   « Vous sortez enthousiaste du Passé ? Vous n’avez qu’une envie : voir très vite les autres films d’Asghar Farhadi ? ». A cela, je ne peux répondre que non. Le film est bon et je ne doute pas que les autres films du même auteur soient excellents, mais je sors avec une forte envie de penser à autre chose, car dès que je pense à cette famille, je vois ce à quoi elle échappe encore. Je vois le pire à venir. J’aimerais qu’il puisse y avoir un film qui partirait du même constat mais pour montrer que les choses peuvent aller mieux, qu’elles iront mieux dans une société moins destructrice. Un jour de pluie ce serait meilleur pour le moral.