Le mal de l’espace

image 5On aurait pu me faire cette objection : comment pouvez-vous dire à la fois que le temps et l’espace n’existent pas et qu’une chose existe quand elle peut être située dans le temps et l’espace ? Comment ce qui existe pourrait-il se manifester dans ce qui n’existe pas ?

A cela je peux répondre que le nombre douze n’existe pas (dans le sens que j’ai donné à ce mot) mais qu’il n’en est pas moins vrai qu’un cube a douze arêtes. C’est que le nombre douze a une réalité. Il est le produit de l’acte de dénombrer. Les nombres ont une réalité et font l’objet d’usages inépuisables. Pour ce qui concerne le temps et l’espace, il nous est plus difficile de comprendre cela car nous sommes trompés par notre usage ordinaire du langage. Quand nous situons une chose dans l’espace, nous la situons non pas dans un espace absolu mais par rapport à une référence elle-même spatiale que nous omettons le plus souvent d’indiquer car elle va de soi pour l’interlocuteur. Nous indiquons la droite ou la gauche en fonction d’une direction donnée, de même pour le nord et le sud ou le haut et le bas. Pourtant, tout cela conduit à des difficultés qui donnent le tournis. Pour les affronter, je me fais aider de mon collègue Einstein et de son interprète le physicien russe Landau.

Ils me ménagent et commencent par des observations simples : ainsi, nous sommes si habitués à pouvoir dire que deux événements ont eu lieu au même endroit que nous donnons à cette formule une signification absolue. Or, elle est dénuée de sens. Pour le vérifier, imaginons que deux copines conviennent de se retrouver dans le wagon restaurant du Paris-Nice pour écrire à leur mari qu’elles vont au carnaval. Les maris ne diront pas que les lettres viennent du même endroit si l’une a été postée à Lyon et l’autre à Valence. Pourtant les deux copines diront que les lettres viennent du wagon restaurant du Paris-Nice. Personne n’a tort dans cette affaire.

C’est la même chose, si nous disons que deux étoiles de la voûte céleste coïncident. Il faut spécifier que l’observation est faite de la terre. On ne peut parler de la coïncidence de deux événements dans l’espace que lorsque qu’est indiqué le lieu où on se situe.

Conclusion : la notion d’espace est relative. Si on veut situer un corps dans l’espace, il faut spécifier sa position par rapport à d’autres corps. Et si on nous demande de situer un corps sans mentionner d’autres corps, la question est absurde.

image 4Si la position d’un corps dans l’espace est relative, il s’ensuit que son déplacement l’est aussi (puisque le déplacement n’est rien d’autre que le changement de position). Si on observe le mouvement d’un corps de deux observatoires différents, ce mouvement apparaitra différent. C’est un phénomène qu’en fait nous connaissons tous : un objet est largué d’un avion, pour le pilote il tombe en ligne droite ; pour un observateur au sol, il décrit une courbe. (A cela s’ajoute souvent pour l’observateur au sol que l’objet est une bombe, mais c’est une autre histoire).

La forme géométrique que décrit un corps en mouvement est tout aussi relative qu’une photographie. Photographier une maison de face ou du ciel ne donne pas le même cliché, filmer la chute d’une bombe de l’avion ou du sol ne donne pas les mêmes images. Les documentaires sur les guerres le prouvent.

Il ne faudrait pas en conclure que tous les points de vue se valent. Un bon photographe choisit l’angle qui lui donnera le meilleur cadrage. Dans l’espace ce qui importe le plus souvent, c’est de pouvoir prédire la forme que prendra la trajectoire et donc de pouvoir connaître les lois qui régissent le mouvement. De ce point de vue toutes les positions d’observation ne se valent pas.

Saurez-vous répondre à cette question : quelle est la meilleure position ? debout ou couché ? La meilleure position est évidemment la position « couché ». C’est la position de repos, celle d’un corps sur lequel aucune force ne s’exerce. (Ceux ou celles qui ont pensé à autre chose auront fait la bonne réponse pour de mauvaises raisons).

Mais comment réaliser un tel état ? La réponse déconcerte : pour qu’un corps soit au repos, il faut le transporter le plus loin possible de tous les corps afin que ceux-ci ne puissent exercer aucune action sur lui. On va me dire : bon !  on n’y est pas rendu !

Mais si ! Avec un peu d’imagination c’est facile. Nous allons observer les propriétés du mouvement en nous situant par la pensée dans un tel lieu. Dès lors que les propriétés d’un mouvement observé à partir d’un lieu quelconque se distinguent de celles constatées à partir d’un corps en repos, nous saurons que nous nous situons dans un lieu en mouvement. Puisque nous avons établi que les lois du mouvement ne sont pas les mêmes selon qu’on se situe dans un lieu en mouvement et dans un lieu en repos, nous pouvons éliminer la relativité du mouvement. Fini le tangage et le mal de mer, chaque fois que nous parlerons du mouvement, il s’agira du déplacement par rapport à l’état de repos.

Prenons donc le train. Embarquons-nous à bord d’un train qui roule à une vitesse constante sur une voie droite. Observons les objets dans le compartiment : nous voyons qu’ils se comportent comme quand le train est à l’arrêt. Si on lance une balle à la verticale, elle nous retombe dans les mains.

Il en va autrement si le train freine ou accélère ou si le train modifie sa direction. D’où nous tirons cette importance conclusion : tant qu’un lieu d’observation, « un laboratoire », se meut uniformément et en ligne droite par rapport à un laboratoire au repos, il est impossible d’y déceler le moindre écart dans le comportement des corps par rapport à celui que l’on observe dans un laboratoire au repos. Autrement dit l’état de repos et l’état de mouvement rectiligne et uniforme ne se distinguent en rien. Mais il y a une infinité d’états de mouvement rectiligne et uniforme. En fait, il n’y a donc pas d’état de repos mais une multitude infinie d’états de repos. L’état de repos n’est pas absolu mais relatif et, du coup, il n’y a pas de mouvement absolu. Tout est de plus en plus relatif.

On ne peut pas parler de mouvement rectiligne et uniforme d’un corps doté d’une certaine vitesse sans spécifier le laboratoire au repos par rapport auquel on mesure cette vitesse. La vitesse se révèle donc aussi relative (puisqu’elle dépend de la vitesse propre du laboratoire d’observation). En choisissant pour référence différents laboratoires au repos, on obtient de résultats différents. Par contre les modifications de la vitesse (accélération, ralentissement) seront les mêmes. Elles ne dépendent pas du laboratoire au repos choisi et sont donc absolues.

Tout cela est bien compliqué, pourtant une lumière pourrait bien en jaillir.

image 6Mon collègue Einstein me rappelle que la terre tourne autour du soleil à la vitesse de trente kilomètres à la seconde. Cela pourrait expliquer pourquoi je suis toujours décoiffé. Mais voilà qu’il m’apprend aussi que je suis bombardé par des projectiles capables de se déplacer à la vitesse de trois cent mille kilomètres à la seconde. Mais c’est sans problème, heureusement, car cette vitesse est celle de la lumière dans le vide. Cette vitesse est constante. Dans un milieu homogène, on ne peut ni l’accélérer ni la ralentir. Si on fait traverser une paroi de verre par un rayon lumineux, il retrouvera à la sortie la vitesse qu’il avait avant.

Les conséquences de cela sont un peu perturbantes et finissent de me décoiffer. Imaginons qu’on tire une balle de fusil dans un train en marche (svp contentons-nous de l’imaginer) : qu’on tire dans le sens du mouvement du train ou dans le sens inverse, la vitesse de la balle par rapport aux parois du wagon sera toujours la même. Mais qu’on allume une lumière dans le wagon de tête ou dans le wagon de queue d’un train se déplaçant à 240.000 Km/s, il en sera autrement. La vitesse de la lumière étant, à ce qu’on nous dit, constante et de 300.000 Km/s, sa vitesse de propagation devrait être dans un sens de 60.000 Km/s et dans l’autre de 540.000 Km/s. Dans un train en mouvement, la lumière devrait donc se propager à des vitesses différentes suivant le sens de cette propagation tandis que dans un train immobile cette vitesse sera la même dans les deux sens.

Pour vérifier cela sans avoir à construire un train ultra rapide, il faut se rappeler que nous sommes sur un bolide se déplaçant à 30 km/s. Il est donc possible de mesurer la vitesse effective de la lumière sur terre selon qu’elle aille dans le sens du déplacement de la terre ou en sens inverse. Cette mesure fut réalisée par Michelson en 1881 et il constata que la vitesse que la lumière se comporte exactement comme la balle de fusil. Sa vitesse est la même dans toutes les directions.

La valeur d’une vitesse doit être différente pour deux laboratoires se déplaçant l’un par rapport à l’autre (la vitesse, comme le mouvement, est relative). Pourtant, la vitesse de la lumière (300.000 Km/s) est toujours la même pour tous les laboratoires. Il s’en suit qu’elle n’est pas relative. Elle est absolue. C’est l’idée qu’elle était relative qui autorisait le raisonnement qui disait qu’on mesurerait des vitesses différentes dans le train selon le sens de propagation. Or ce raisonnement s’avère faux.

Y a un problème, il faut que je reprenne ce train.

image 7Me voilà de retour dans le train. C’est un train long de 5.400.000 km qui roule, en ligne droite et uniformément à la vitesse de 240.000 km/s. Montez-y avec moi si vous voulez suivre. Cette fois une ampoule s’allume au milieu du train. Quand la lumière arrive au bout du train (en tête et en queue), elle ouvre la porte du wagon. La lumière met 9 secondes (2.700.000/ 300.000) pour atteindre les extrémités du train et les deux portes s’ouvrent en même temps.

Un observateur est situé sur le quai et voit passer le train. Par rapport à la gare, la lumière se propage également à la vitesse de 300.000 Kms/s. Comme le wagon de queue se déplace à la rencontre des rayons lumineux, la lumière l’atteint après 2.700.000/(300.000+240.000) = 5 secondes. Mais, dans l’autre sens, la lumière poursuit le wagon de tête et ne le rattrape qu’au bout de 2.700.000/(300.000-240.000) = 45 secondes. Il y a un écart de 40 secondes entre l’ouverture des portes.

Donc les mêmes événements sont simultanés vus du train et espacés de 40 secondes vus du quai. C’est comme si on venait nous dire qu’une girafe est plus longue de la queue à la tête que de la tête à la queue. Et pourtant c’est bien ce qui arrive : le temps, comme l’espace, comme le mouvement, est relatif.

La notion de simultanéité devient relative et n’a de sens que si on précise le mouvement du laboratoire dans lequel les événements sont observés.

La vitesse de propagation d’un phénomène d’un point à un autre de l’espace ne peut dépasser la vitesse de la lumière. C’est une loi de la nature que la théorie de la relativité démontre. Il s’ensuit de grandes difficultés, mais qui ne remettent pas en cause ma définition du temps. Elles la confirment plutôt. Le rapport entre les mouvements est parfois surprenant, ce n’est toujours qu’un rapport entre mouvements qui sont relatifs à l’exception de celui de la lumière qui est absolu car elle est la vitesse limite de toute propagation.

Les conséquences de tout cela sont vertigineuses : ainsi toute horloge en déplacement retarde sur les horloges à l’état de repos. Tout observateur immobile par rapport à sa montre voit les autres montres avancer tant qu’elles se meuvent par rapport à lui, et d’autant plus que leur vitesse est grande. Nous pouvons aussi avoir un objet qui se contracte ou s’allonge pour deux observateurs en situation différente sans d’aucun des deux soit dans l’erreur. Je ne suis pas capable de démontrer tout cela mais je renvoie le lecteur à l’article d’Einstein sur la relativité restreinte et je lui souhaite bonne lecture.

Qu’est-ce que le temps ?

image 1Cet article sera court car son sujet est d’une difficulté inépuisable. Il me vient à l’esprit alors que je tente de lire ce que Hegel dit au sujet du temps. Je dois, (mais je reconnais être un peu obtus), relire plusieurs fois la même phrase pour qu’elle cesse de m’apparaitre autrement que comme un infâme galimatias.

Entre deux tentatives mon cerveau vagabonde. Je m’imagine à la terrasse d’un café. Je regarde passer les gens et je photographie toutes les belles personnes qui charment mes yeux. Quand j’aurai développé mes photos, j’aurais une succession de clichés. Cela correspond bien à la définition que donne Aristote du temps : « le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur ». Chacune de mes photos est une étape d’un mouvement (celui des passants) et leur succession permet de dire comment chacune succède à l’autre.

Seulement ce temps-là ne me satisfait pas. Il n’a pas de mesure. Je sais qu’il n’a pas été le même entre chaque photo mais mon « nombre » ne permet pas de remplir ce vide.

Je reviens à Hegel qui ne m’aide pas du tout. Et mon esprit repart. Supposons qu’il y avait dans le champ de mes photos un objet qui a connu lui aussi un mouvement : l’ombre d’un arbre sur le sol. Cette fois, en observant bien mes clichés, je remarque qu’entre certains l’ombre a à peine bougé. Entre d’autres elle a parcouru un angle large. Ma succession s’enrichit d’une nouvelle qualité. Elle fait apparaitre un rapport entre deux mouvements.

image 2Ce rapport est-il le temps ? Je dois répondre « non pas encore ». Ce que j’ai c’est un rythme et non le temps en lui-même. J’ai tout de même l’ombre du temps car je ne peux concevoir que deux formes de rythme : un rythme dans l’espace et un autre qui se passe d’espace. Une frise décorant une corniche de l’image de feuilles et de fruits donnera un rythme dans l’espace (par exemple trois fruits cinq feuilles puis cinq fruits et trois feuilles etc.). Mais si je répète « fruit-fruit-feuille-feuille-fruit-fruit » dans quoi se déploie mon rythme, sinon dans le temps ?

Voilà que j’ai une première définition du temps : le temps est ce qui apparait quand un rythme est créé par le rapport entre deux mouvements.

Nouveau retour à Hegel et rien de neuf de ce côté ! Je reviens à ma rêverie. Je dois reconnaitre que j’ai postulé que le mouvement de l’ombre auquel j’ai rapporté celui des clichés était régulier. J’ai eu raison sans doute. Mais si j’abandonne ce postulat, je suis à nouveau en difficulté. Comment puis-je savoir qu’un mouvement est régulier ?

Je le sais parce que je ne suis jamais confronté à deux mouvements mais que je fais, avec mes semblables, l’expérience d’une multitude de mouvements simultanés. Un de ces mouvements est celui que je ressens. J’ai l’intuition d’un temps passé plus ou moins long qui est fluide dans des circonstances où je ne ressens ni impatience ni ennui. Ce temps est en relation avec le nombre d’images par seconde que transmet mon œil. Or, un œil à facettes d’abeille transmet 200 images par seconde, alors que l’œil humain transmet au cerveau environ 24 images seconde. Le temps ne s’écoule pas de la même façon pour l’abeille et l’homme ou plutôt ce qui est rapide pour l’homme est lent pour l’abeille qui voit les choses, de notre point de vue, au ralenti.

Cette fois je crois que je tiens le temps. En voici la définition : le temps est la réalité qui apparait lorsque le rapport entre tous les mouvements est rapporté à un observateur (réel ou fictif) dans un univers unifié en perpétuel mouvement.

Cette définition n’est pas en contradiction avec ce que nous dit la théorie d’Einstein puisque celle-ci nous dit qu’il n’y a pas de temps absolu, il n’y a pas de temps universel, mais qu’il est universel que tout observateur a son temps propre (sa durée) dans un univers unique où les mêmes lois s’appliquent partout. Ce « temps propre » sera sa ligne d’univers dans l’espace temps. Je dirais, pour ma part, que tout observateur peut et ne peut que, depuis son mouvement propre, faire le rapport des mouvements qu’il observe. Il n’y a de rapport que si on se place du point de vue d’un mouvement particulier auquel on ramène, ou plutôt on imagine pouvoir ramener, tous les autres mouvements. La possibilité de ce rapport généralisé étant rendue imaginable du fait de l’unité de l’univers dans sa nature et dans les lois qui s’y appliquent (même principe de causalité). Mais ce rapport généralisé bien qu’imaginable n’est jamais réalisable même sous forme d’expérience de pensée car, bien que l’univers soit unique, il ne peut pas être saisi dans son ensemble car cela supposerait une simultanéité universelle, alors qu’Einstein a démontré que l’idée même de simultanéité n’était pas tenable en physique. La saisie du temps est donc toujours plus ou moins illusoire.

(Il ne faudrait pas en conclure que le temps n’est qu’un effet de la conscience car le mouvement existe indépendamment de toute conscience. Il est le mode d’être de la matière — il n’y a pas de matière sans mouvement. Le rapport entre les mouvements est donc là potentiel (mais toujours illusoirement réalisable) indépendamment de toute conscience comme le nombre 12 est là potentiellement dès d’un cube se présente — sous la forme par exemple des arêtes d’un cristal. Ce qui ne peut pas être en revanche c’est un temps sans matière, un temps vide et « pur » car il n’y a dans le rien aucun moyen de saisir quelque chose, que ce soit du temps ou de l’espace).

Je me garderais bien de juger la théorie d’Einstein car je n’ai pas l’ombre d’un début de compétence pour cela. J’observe seulement qu’elle établit une relation réciproque entre l’espace/temps (par sa « courbure ») et les objets qui s’y trouvent en mouvement. Cela fait de l’espace/temps une chose à la fois substantielle (car autrement comment un objet métaphysique pourrait-il agir sur les mouvements des objets physiques?). Il reste donc, il me semble, une obscurité non résolue dans cette théorie dont l’efficacité a été démontrée amplement : Tout autant que ma modeste définition du temps, elle fait du temps (de l’espace/temps)  une « réalité », un objet de pensée, dont la nature fait problème. Mais pour être plus clair, je dois dire ce que j’entends par « être une réalité ».

J’ai dit que le temps est une réalité et non qu’il existe. Je dis qu’une chose existe lorsque je peux la situer dans l’espace et le temps. Si je dis que je possède une Rolex (comme tout homme de plus cinquante ans qui a réussi sa vie), on va me demander de la montrer – c’est-à-dire de la situer dans l’espace et le temps. Toute chose qui existe a nécessairement une certaine substance car autrement il ne serait pas possible de la faire se manifester dans un espace et un temps. A l’inverse, ce qui n’a pas de substance n’existe pas, ce qui n’en fait pas rien mais en fait ce que j’appelle une « réalité ».

image 3Mais il découle de ce que j’ai dit que le temps ne peut pas être situé dans un espace et un temps puisqu’il est lui-même un cadre de la parution. Le temps n’existe donc pas (pas plus que l’espace d’ailleurs). Il n’est pas rien pourtant, ne serait-ce que parce que j’essaie d’en saisir la nature. Comme tout ce qui ne peut pas être situé dans un espace et un temps mais peut faire l’objet ne serait que d’une pensée, il a une réalité. Alors qu’il n’y a pas de degré dans l’existence du point de vue du temps sinon celui d’avoir été ou d’être présentement, et du point de vue de l’espace d’être ici ou ailleurs, il y a une infinité de degrés dans la réalité (comme être imaginaire ou être une idéité rationnelle). Le temps est de ces choses qui ont un fort degré de réalité puisqu’il apparait au moins potentiellement dès qu’il y a un mouvement dans un univers unifié. Sa réalité s’impose à nous à tel point que nous lui attribuons couramment des effets.  Il prend forme quand deux mouvements peuvent être rapportés l’un à l’autre et il est pleinement présent pour une conscience dès qu’elle perçoit une multitude de mouvements. Le temps est toujours lié à l’espace (par le mouvement), c’est pourquoi on ne peut pas le penser hors de lui ou plutôt on ne peut penser qu’un complexe d’espace-temps. (Je laisse à mon collègue Einstein le soin de développer cette notion !). Je m’en tiens pour ma part à dire que le temps est une réalité car un rapport est une réalité. Désigner le quart, la moitié ou de double de quelque chose c’est désigner un objet, certes dans l’immédiat idéel, qui peut devenir effectif par le découpage ou la duplication. Donc quelque chose de bien réel. Mais, j’en conviens, cela laisse en suspens tout autant que la théorie d’Einstein la nature de l’action réciproque (tout en laissant supposer qu’elle n’est que l’effet pour notre intellect de l’unité de l’univers dont l’observateur est toujours lui-même une partie).

Je n’en ferai pas plus pour aujourd’hui puisque je viens de résoudre une des plus grande difficulté de la science et de la philosophie. Un tel effort mérite d’être suivi d’une bonne pause.

Prolétariat et lumpenprolétariat

image 2J’ai lu récemment un livre d’Immanuel Wallerstein « Comprendre le monde – Introduction à l’analyse des systèmes monde ». Je n’ai pas jugé utile d’en faire la critique, j’expliquerai pourquoi. Dans l’immédiat, je m’en tiendrai à deux définitions extraites du glossaire joint à l’ouvrage. Je lis : «ma définition du capitalisme est la suivante : il s’agit d’un système historique caractérisé par la priorité donnée à l’accumulation illimitée du capital ». Une autre définition est celle du prolétariat : « le terme prolétariat est apparu en France à la fin du XVIIIème siècle pour désigner le plèbe, par analogie avec la Rome antique. Au XIXe siècle, on commença à l’utiliser pour désigner plus spécifiquement la main-d’œuvre salariée (urbaine) qui n’avait pas accès à la terre et qui dépendait donc d’un employeur pour vivre. »

Ces deux définitions sont trop pauvres, aussi bien dans leur forme que dans leur contenu, pour fournir la base d’une discussion. Cela apparaitra clairement dans la suite de mon propos. Je vais, dans un premier temps, leur en substituer d’autres qui auront pour premier avantage de s’intégrer dans un système conceptuel cohérent (1). Pour cela, il me faut revenir à la définition des rapports sociaux donnée par Danièle Kergoat, telle que je l’ai reprise dans mon article du 21 mars 2014 et, à partir de cette définition, je vais dérouler l’ensemble des concepts qui y sont associés.

La définition de D. Kergoat présente le rapport social comme une « tension », un antagonisme, qui traverse la société et se cristallise autour d’un « enjeu ». Pour le dire en termes plus quotidiens, elle décrit le rapport social comme une opposition qui travaille la société, en dissocie les membres et les assemble en groupes opposés les uns aux autres. Cette opposition n’est nullement arbitraire ou personnelle mais a pour base des situations où des groupes ont effectivement des rôles à la fois antagoniques et complémentaires (des enjeux). Danièle Kergoat termine ainsi : « Ce sont ces enjeux qui sont constitutifs des groupes sociaux. Ces derniers ne sont pas donnés au départ, ils se créent autour de ces enjeux par la dynamique des groupes sociaux ». Sa définition insiste donc sur le fait que les groupes sociaux se forment du fait de la tension consécutive à l’apparition d’intérêts opposés. Elle nous dit que le rapport antagonique entre les groupes sociaux structurés par la tension dans le corps social est un rapport à la fois de complémentarité et de domination. L’antagonisme n’est personnel que pour autant que les individus sont assignés à un groupe social et s’y reconnaissent. L’assignation est consécutive au milieu social de naissance. Elle est renforcée par l’éducation mais aussi par des formes de contraintes voire de violence.

Il est clair à la lecture de cette définition que deux « enjeux » fondamentaux structurent toute société : la production et la reproduction. Autour de la question de la reproduction à la fois se crée la vie commune des hommes et des femmes, se pose la question du rapport entre les sexes (alors pensés comme des groupes sociaux) et se met en place la problématique de la domination masculine. Le rapport social de sexe évolue dans le temps en correspondance avec les autres rapports sociaux et en particulier avec le rapport induit par l’enjeu de la production. Il faut bien comprendre ici que le rapport social oppose des groupes pensés de façon abstraite (tous les hommes et toutes les femmes ou plutôt les hommes comme genre et les femmes comme genre). Il doit être bien distingué de la relation sociale qui est directe et personnelle et concerne un homme et une femme pris dans des relations affectives et de désir. Le rapport social commande la forme de la relation sociale. Cela signifie que les relations entre hommes et femmes n’est pas la même selon la forme des rapports sociaux, que les institutions qui stabilisent ce rapport social (la famille, les rôles sexués) sont différents et évoluent avec les rapports sociaux.

image 1La même problématique se retrouve dans le cadre du rapport social autour de l’enjeu de la production (qui est le deuxième grand rapport social présent dans toutes les sociétés et à toutes les époques). Cependant, spécifier quels groupes sociaux se structurent autour de l’enjeu de la production exige d’introduire un nouveau concept : celui de mode de production. On appelle mode production les rapports objectifs noués entre les hommes à l’occasion de la production sociale de leur vie matérielle. Le mode de production articule un degré de développement des forces productives avec les rapports de production qui leur sont adaptés. Le mode de production n’est pas le même selon le niveau de développement des moyens de production. Quand l’homme est lui-même la principale force productive, deux modes de production sont possibles : le communisme primitif dans les groupes restreints de chasseurs-cueilleurs, et l’esclavage dans les sociétés plus nombreuses capables de générer un surplus social – ceci essentiellement dans les activités primaires comme l’agriculture et l’extraction minière. La domination est généralement moins directe dans les activités qui exigent un savoir-faire et une certaine autonomie comme l’artisanat ou le commerce.

Le mode de production esclavagiste est dépassé dès lors que les moyens de production exigent une organisation collective : directement pour la production (par exemple l’irrigation) ou pour la transformation des produits et leur échange (par exemple avec les moulins à vent ou à eau et les fours collectifs). Il laisse alors la place au mode de production féodal. A la structuration sociale entre esclaves et hommes libres (avec toutes ses gradations : patriciens et plébéiens etc.) se substituent d’autres groupes sociaux. La société se structure en ordres : noblesse, clergé et tiers état ou bien noblesse, lettrés et paysans (en Asie). Les deux premiers ordres ne participent pas directement en tant que tels à la production. Le troisième ordre se structure entre fermiers et journaliers ou entre maitre de jurandes et compagnons etc.

Le mode de production capitaliste s’impose dès lors que les moyens de production mettent en œuvre des ressources venues d’horizons lointains et des moyens exigeants la collaboration de vastes groupes d’hommes animant des machinismes utilisant des sources d’énergie puissantes et capables de produire en masse. Ce mode de production se caractérise par l’appropriation privée des moyens de production (voir mon article du 12 mars 2014) et non par une mystérieuse « priorité donnée à l’accumulation du capital » – qui ne peut prendre forme que si le capital est déjà là. La société se structure alors en deux pôles : bourgeois et prolétaires. Le pôle bourgeois est celui des classes dominantes, le pôle prolétarien est celui des classes dominées.

Après ce détour, nous arrivons à la définition du prolétariat et à une définition qui lie le concept de prolétariat à celui de mode de production capitaliste.

Développons ce concept : le prolétariat, pas plus que la bourgeoisie, n’est à proprement parler une classe sociale. C’est un des pôles qui s’opposent dans la société capitaliste. Marx l’indique expressément dans le « manifeste du parti communiste » quand il écrit que la première tâche du prolétariat est de se constituer en classe (cette idée n’aurait pas de sens, si le prolétariat était en lui-même une classe !). A Chaque pôle, que ce soit la bourgeoisie et le prolétariat, apparaissent des groupes spécifiques (qu’on appelle précisément des classes). Ces groupes se distinguent par les forces productives qu’ils mettent en œuvre ou dont ils ont la possession (2) ; apparaissent au pôle bourgeois : capitalistes, commerçants, financiers et industriels et, pour le pôle prolétarien : classe ouvrière, salariés du commerce, de la finance ou des administrations etc. Parmi les classes du pôle prolétarien, la classe ouvrière a un rôle dirigeant car elle la classe productrice sans laquelle les autres classes ne pourraient pas se développer. Entre les deux pôles prolétarien et bourgeois se structurent des groupes intermédiaires comme la paysannerie, les artisans et les petits commerçants. Ces groupes mettent en œuvre eux-mêmes leur force de travail alors que les prolétaires ne le peuvent pas puisqu’ils sont dépourvus de tout moyen de production (lesquels sont la possession de la classe capitaliste). La paysannerie est un groupe, divers dans sa composition, qui reste numériquement très important tant que le machinisme et le capitalisme ne sont pas complètement développés (3). C’est comme la classe ouvrière une classe productrice qui assure les moyens de subsistance des autres classes (4).

Assimiler prolétariat et salariat, comme le fait Immanuel Wallerstein, c’est en rester à un niveau purement descriptif (5). Alors que le situer comme un pôle lié à la séparation du producteur des moyens de production propre au mode de production capitaliste, c’est à la fois en restituer la source constitutive et surtout le faire apparaitre pour ce qu’il est : le produit d’une violence (car la tension propre au rapport social de production est dans le cadre du mode de production capitaliste une véritable violence – certes cette violence est moins directe que celle exercée dans le cadre de l’esclavagisme ; elle n’en est pas moins réelle)  .

La violence du capitalisme consiste à contraindre ceux qui sont privés de moyens de production (qui ne possèdent pas le capital) à se mettre au service de celui-ci. Le prolétaire vend sa force de travail : cela signifie que le capitalisme tend à le réduire à un moyen de production. Aucun prolétaire n’accepte cette aliénation. Il ne réduit pas ses capacités à une force productive qui serait à vendre, ni ne considère son temps libre comme celui qui devrait être utilisé à la reproduction de cette force de travail. Comme tout homme, il aspire à développer ses capacités et à avoir du temps pour la création et les loisirs. Dans le cadre du capitalisme, la valeur des marchandises ne se mesure selon le temps de travail social incorporé que pour autant que le travailleur est aliéné (réduit à sa force de travail). Par conséquent, cette valeur/travail n’est pas une donnée naturelle qui serait la résultante de l’aspiration de chacun à économiser son temps de travail, comme on le lit parfois, mais un produit de la société capitaliste progressivement apparu avec elle et destiné à s’éteindre progressivement après son dépassement.

Puisque le prolétariat est un des pôles de la structure sociale générée par le rapport social de production capitaliste et non à proprement parler une classe sociale, il se comprend aisément qu’il y ait à ce pôle des individus qui ne trouvent pas leur place dans les classes sociales productives. Ces prolétaires très précaires, ces marginaux laissés hors de la structure sociale et vivant d’expédients, forment ce qu’on appelle le lumpenprolétariat. On ne peut que s’étonner de voir quelqu’un comme Jacques Rancière considérer que la notion de lumpenprolétariat ne recouvre rien de tangible. Il est pourtant quasiment inévitable que dans un rapport social polarisant comme le rapport de production dans la société capitaliste, il se trouve un certain nombre d’individus qui ne trouvent pas leur place (voir mon article du 4 mars 2014). Rien là-dedans ne devrait étonner ou poser problème.

image 3Cette situation n’est d’ailleurs pas propre au rapport social de production. Le rapport social de sexe, formé autour de l’enjeu de la reproduction, fait apparaitre une situation analogue. Un certain nombre d’individus ne parviennent à se retrouver ni dans le groupe des femmes ni dans celui des hommes. Ce sont les « transgenres » et autres groupes dont l’idéologie dominante fait actuellement très grand cas dans ses efforts pour brouiller la polarisation en masculin et féminin et remettre en cause la légitimité de cette structure sociale (ceci sous prétexte de libération et d’égalité et avec pour effet de subvertir toute compréhension des structures sociales).

Certains auteurs anglophones (Andre Gunder Frank et Paul Baran) utilisent aussi l’expression « lumpenbourgeoisie » pour caractériser les élites sociales des pays colonisés. Cette appellation ne convient pas dans le cadre d’une conception correcte du rapport de production, car cette bourgeoisie soumise à la domination coloniale trouve sa place dans le rapport social de production (même si elle se trouve sous la domination de ses pairs de la société colonisatrice). Elle forme une classe spécifique et non un ensemble d’individus laissés hors des structures sociales générées par le rapport social de production.

Ainsi, dès qu’on a une conception claire de ce qu’est un rapport social, il apparait que les concepts de prolétariat, lumpenprolétariat, classes, mode de production, rapports de production, ne peuvent se comprendre que l’un par l’autre. On ne peut pas concevoir ce qu’est le prolétariat sans comprendre ce qu’est un mode de production et plus spécifiquement ce qu’est le mode de production capitaliste. Et il n’est pas possible de comprendre ce qu’est un mode de production sans savoir ce qu’est un rapport social et sans connaitre les phases de développement des forces productives et des rapports de production qui leur sont liés. Or, tout cela manque dans le travail d’Immanuel Wallerstein, c’est pourquoi il ne m’a pas paru une base de discussion intéressante.

La faiblesse des concepts utilisés par Immanuel Wallestein n’est pas sans conséquence. Ainsi, il fait de l’échange inégal une des caractéristiques des systèmes monde modernes, ou « économies mondes » (c’est-à-dire des ensembles de nations, d’économies mutuellement dépendantes qui sont en relation d’échange et d’exploitation les unes avec les autres) et il présente cela comme une découverte. Mais cet échange inégal n’est une découverte que pour lui. Cette idée figure déjà chez Lénine dans « impérialisme stade suprême du capitalisme ». Elle trouve sa source chez Marx dans l’analyse de la péréquation des taux de profit. En revanche I. Wallerstein ignore complétement la notion d’impérialisme (fondamentale dans le marxisme) qui explique la nature de l’échange inégal dans le cadre du capitalisme monopoliste. Il y substitue la description des luttes d’influence, des luttes pour l’hégémonie, entre États centraux et États périphériques ou intermédiaires (6). Il dit bien que le capitalisme est un « système historique » mais ne dit rien de ses phases et de la logique de leur succession, de ses crises et de leur influence sur les modes de gestion.

Immanuel Wallerstein semble découvrir que le capitalisme cohabite avec d’autres modes de production. Il critique Marx bien à tort sur ce point car si Marx a développé le concept de capitalisme à partir de l’exemple de la Grande Bretagne de son époque, il a bien vu que toute société inclut des éléments des modes de production passés et des prémices du développement du mode de production futur qui doit lui succéder. C’est la base du concept de formation économique et sociale.

Le développement du concept de capitalisme était et est toujours un préalable à l’analyse des sociétés et de leurs relations. Ce n’est que dans la mesure où nous disposons, grâce au travail de Marx, d’un concept clair du capitalisme que nous pouvons analyser le fonctionnement de nos sociétés et la nature des relations internationales. Nous pouvons en particulier comprendre ce qu’est véritablement la mondialisation et ne pas nous laisser enfermer dans la conception purement descriptive et apologétique qui nous est servie quotidiennement (voir à ce sujet la série de mes articles du 18 au 24 novembre 2013).

Enfin, Immanuel Wallerstein soutient que l’accumulation primitive décrite par Marx se poursuit actuellement. C’est introduire la confusion dans cette notion. Personne ne contexte que le capitalisme, lorsqu’il s’introduit dans une société, a un fort pouvoir désintégrateur, ni qu’il est un mode de production prédateur. Seulement, si les mécanismes de prédation propres à l’impérialisme sont souvent analogues par certains aspects à ceux de l’accumulation primitive, ils n’ont aucune raison d’être qualifiés de primitifs.

La faiblesse conceptuelle des idées d’Immanuel Wallerstein trouve son origine, semble-t-il, dans une peur de la critique qui s’exprime clairement dans sa définition du capitalisme. Celle-ci commence ainsi : « Capitalisme : ce terme n’est guère apprécié dans le milieu universitaire, car il est associé au marxisme, bien que dans l’histoire des idées cette association ne soit, au mieux, que partiellement vraie ». Il est navrant de voir ainsi un leader du mouvement altermondialiste, céder devant le terrorisme intellectuel qui voudrait qu’on rejette un concept sans examen dès lors qu’il est marxiste, ou à tout le moins qu’on le vide de sa substance. Cette timidité a un coût : le renoncement à se doter d’un concept sérieux de capitalisme ne permet pas d’envisager un dépassement de ce monde de production. Ainsi Immanuel Wallerstein, dans ses derniers écrits, en arrive à soutenir qu’il n’est pas possible de prévoir une sortie du capitalisme. La forme, comme l’aboutissement de cette sortie, ne pourraient pas être anticipés parce qu’ils seraient en fait aléatoires. D’où l’impossibilité de doter le mouvement altermondialiste d’objectifs précis et d’un programme constructif.

1 – Lénine dans La maladie infantile du communisme : « Le capitalisme ne serait pas le capitalisme si le prolétariat « pur » n’était entouré d’une foule extrêmement bigarrée de types sociaux marquant la transition du prolétaire au semi-prolétaire (à celui qui ne tire qu’à moitié ses moyens d’existence de la vente de sa force de travail), du semi-prolétaire au petit paysan (et au petit artisan dans la ville ou à la campagne, au petit exploitant en général); du petit paysan au paysan moyen, etc. ; si le prolétariat lui-même ne comportait pas de divisions en catégories plus ou moins développées, groupes d’originaires, professionnels, parfois religieux, etc. « 

2 – sur l’axe qui va du prolétariat à la bourgeoisie, on peut distinguer les classes selon le degré de l’exploitation qu’elles subissent : d’abord ceux auxquels l’extraction de la plus-value ne laisse que le nécessaire pour renouveler leur force de travail, puis ceux qui sont souvent exploités  plus encore que les premiers  en pourcentage de la richesse qu’ils créent mais qui reçoivent néanmoins de quoi mener une vie aisée (cadres et ingénieurs dirigeants)   , enfin ceux qui ne possèdent aucun moyen   de production mais à qui leur lien avec la bourgeoisie assurent une situation de super consommateurs (classe consommatrice selon M. Clouscard). Vient ensuite ceux qui possèdent des moyens de productions modestes etc. On passe alors au pôle bourgeois de l’axe.

Rappelons aussi que les rapports sociaux de production et de sexe ne sont pas nécessairement les plus directement perçus dans les sociétés. Chaque société se structure aussi selon différents états liés à leur histoire : noblesse/roture, tribu, race, caste (Inde), religion. Ces états créent des appartenance souvent plus fortes et plus évidentes pour les individus que les appartenance de classe ou la solidarité de sexe. Elles créent plus directement un sentiment d’appartenance à une communauté.

3 – Toute définition et plus encore tout concept correctement développé ne sont possibles que pris dans leurs rapports à d’autres concepts avec lesquels ils forment un ensemble rationnel. Cela a été exposé dans mon article du 30 septembre 2014 « la philosophie comme rapport au monde ».

4 – d’où l’importance de l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie symbolisée par la faucille et le marteau.

5 – et c’est ignorer que le salariat ne s’est développé que lorsque le capitalisme est arrivé à maturité et que la classe ouvrière a pu l’imposer.

6 – le transfert de valeur dans l’échange inégal reste confus chez I. Wallerstein car il refuse la notion de plus-value. Il définit celle-ci ainsi : « ce terme a un lourd héritage de controverses, voire de débats obscurs. Il n’est employé dans cet ouvrage que pour désigner le profit réel obtenu par un producteur, qu’il peut malgré tout perdre à travers l’échange inégal ». Une nouvelle fois se manifeste ici la crainte des « controverses » et le repli sur un concept inconsistant. En effet I. Walllerstein considère la plus value capitaliste comme le produit de la différence entre prix de vente et prix de production ; il la réduit à son apparence première dans l’échange monétaire. Autrement dit, il considère que les marchandises sont vendues au-dessus de leur valeur, idée dont Marx a démontré l’absurdité (dans des pages qui ne sont obscures que pour qui ne veut pas comprendre).

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