Le loup de Wall-Street

image 1J’ai vu le film hier et une nouvelle fois je me suis demandé pourquoi j’allais encore au cinéma. Ce n’est pas que le film soit mauvais mais j’en ai plus qu’assez de ces spectacles du dessous de la ceinture, du narcissisme du sujet moderne et de l’étalage complaisant des tares de l’époque.

La trame du film se voudrait l’histoire véridique d’un certain Jordan Belfort, un de ces escrocs qui ont fait fortune au moment où les bulles diverses maintenaient le système financier en alerte.  Mais on voit tout de suite  qu’il s’agit plutôt de l’histoire de ses fantasmes que de la vérité sur ses activités. Ses mémoires sont l’œuvre d’un triste sire qui s’imagine qu’il suffit de mélanger sexe et fric pour se faire encore de l’argent. Je crains hélas qu’il n’ait pas tout à fait tort puisqu’elles ont fait l’objet d’un film avant même d’être éditées et cela par un cinéaste de renom (Martin Scorsese) dont les fantasmes doivent sans doute être de la même eau.

Donc, le personnage principal (je ne peux pas dire le héros) est un jeune con de trader qui n’imagine pas d’autre but à sa vie que d’amasser de l’argent. Il fait ses classes dans un cabinet qui fait faillite au moment de la crise. Il a appris qu’un bon tradeur n’a aucun scrupule, qu’il vole sans vergogne et que pour être plus performant il se doit de se droguer et de s’adonner au sexe. Il s’agit d’abord du sexe du pauvre aussi jouissif qu’un verre d’eau tiède puisque la règle est de se masturber au moins deux fois par jour ! Mais Jordan est doué, il ne reste pas au chômage, il rebondit et se fait un nom dans le milieu des rapaces de seconde zone. Commence une ascension faite d’arnaques et de partouzes de plus en plus débridées.

J’avoue que j’ai décroché rapidement et que j’ai commencé à évaluer le dérangement que je causerais si je devais sortir de la salle. Faute de mieux je suis resté pour voir les faces blafardes des spectateurs qui contemplaient avachis dans leur fauteuil cette suite ininterrompue de baise sans joie, d’alcool, de prises de cocaïne, le tout agrémenté de dialogues qu’on peut résumer à la répétition du mot « fuck » sous toutes ses déclinaisons. Le fantasme suprême de l’auteur semble être de « niquer » (c’est le seul mot qui convienne) sur un lit couvert de liasses de billets, ceci dans un état second et sans autre perspective que de recommencer dès que la coke aura fait son effet de stimulation !

image 3La deuxième partie du film est plus supportable. Jordan Belfort commence sa chute et on l’attend avec impatience. Il s’assure tout de même le meilleur rôle au cours d’une scène où, suivant les conseils de son avocat il s’apprête à abandonner ses activités, mais y renonce après avoir rappelé à une collaboratrice qu’il l’a sortie du trottoir pour en faire une tradeuse avide et sans pitié. Il le fait avec panache en clamant un « j’ai cru en toi » !

Car il ne faut pas s’y tromper : ce film véhicule une idéologie. Celle dont un Tapie ou un Ségala sont les représentants en France. Celle qui mesure la valeur d’un individu à sa capacité à aller chercher le fric « avec les dents » ; celle qui méprise ceux qui travaillent et vivent honnêtement. Il va même plus loin puisqu’il présente la drogue comme un stimulant efficace et pourrait laisser croire aux naïfs que la cocaïne pourrait les rendre plus performants, qu’elle est l’ingrédient indispensable de la réussite. Pour cela seul, il devrait d’ailleurs être interdit car il est au moins aussi grave d’inviter à se droguer que de porter atteinte à la dignité d’autrui en faisant des plaisanteries de très mauvais goût !

Le contenu idéologique du film ne s’arrête pas là. Il se présente, ou on voudrait le présenter, comme une critique de la finance libéralisée et même du « système ». Seulement, si c’était cela la finance il suffirait d’une opération de police bien menée pour la mettre hors d’état de nuire et pour que tout rentre dans l’ordre.

La finance de Jordan Belfort se réduit aux gesticulations d’une bande de requins dans une sorte de centre d’appel. On est loin des salles de marchés et surtout des fonds d’investissement. Les victimes de cette finance sont eux-mêmes des rapaces de la finance. Tout le monde devrait savoir que le système financier est tout autre chose. Il est le symptôme d’une incapacité des capitaux à s’investir productivement tant ils sont concentrés et accaparés par une minorité qui prive le grand nombre des fruits de son travail. Elle est l’affaire de banques et de grandes fortunes qui multiplient les capitaux fictifs car il leur faut, par les mécanismes d’effets de levier, manipuler 1000 pour valoriser 100. Cette finance-là n’a pas dit son dernier mot : elle est parvenue depuis la crise de 2008 à doubler la masse monétaire et à refiler toutes ses dettes aux États. Rien à voir avoir les combines et les débauches d’un Jordan ! Il ne s’agit plus d’escroquerie mais de la ruine d’économies et de peuples entiers.

image 2Pour résumer, je dirais qu’il ne me parait pas utile d’encourager l’industrie du cinéma dans cette voie en allant voir ce film. Il serait bon de lui faire savoir que nous en avons assez de ses spectacles, que nous voudrions voir des œuvres qui stimulent l’imagination, la créativité et qui aident à vivre : des œuvres tournées vers l’avenir et une renaissance de la civilisation.

Les garçons et Guillaume, à table !

image 3J’ai vu le film cet après-midi. Ce que j’avais pu en percevoir par la bande annonce et ce que je pouvais en connaitre après la lecture de quelques critiques ne m’engageait guère à m’y intéresser. Qu’attendre d’un spectacle sur un thème dans l’air du temps ?  — La répétition des clichés bien-pensants qu’on nous sert partout, —  un numéro de donneur de leçon comme il s’en manifeste tant actuellement ? Ne sommes-nous pas dans un pays dont le gouvernement par une circulaire du 31 octobre 2012 a enjoint aux administrations de promouvoir les idées nouvelles d’identité de genre et d’orientation sexuelle ? Toute occasion est bonne : pour faire la publicité du Thalys, il a ainsi paru utile de présenter le lien entre Paris et Düsseldorf sous la forme d’un couple homosexuel. Il n’est pas une agence de publicité qui ne se sente obligée d’apporter sa pierre à ce martelage. Alors un film de plus pour quoi faire ?

image 1Et bien ce qui m’a plu dans ce film, c’est qu’il a eu l’habileté de prendre tout cela à contrepied. Guillaume a tout de l’homosexuel efféminé, et il semble d’abord qu’on est invité à trouver cela charmant, touchant, sympathique. On s’en réjouirait presque puisqu’il est dit que nous sommes entre gens de bonne compagnie, entre gens bien-pensants et que nous trouvons tous cela très bien. Nous n’avons que mépris pour des spectacles vulgaires comme « la cage aux folles », d’ailleurs nous ne l’avons pas vu (ou nous ne nous en souvenons plus) !Nous passons ainsi toute la première partie du film qui est une comédie gentille où sont vilipendés tour à tour la mère possessive, les machos de collège, les sportifs aux gros biscoteaux, les psys un peu fêlés, l’épreuve de la sélection pour le service militaire etc. Tout cela donne lieu à des séquences parfois hilarantes, d’autres fois émouvantes, certaines d’un humour caustique, toutes parfaitement réussies. Guillaume rencontre aussi des camarades bienveillants, il est accepté avec sa « différence » comme on dit aujourd’hui. On se réjouit donc tout en craignant un peu de vite s’ennuyer si cela doit durer encore longtemps. La relation de Guillaume avec sa mère est particulièrement bien réussie, peut-être parce qu’elle est ce qui est le plus autobiographique dans l’œuvre du vrai Guillaume.

Mais Guillaume vit dans le milieu de la grande bourgeoisie parisienne. Ce n’est que tardivement qu’il est confronté à la réalité de l’homosexualité. Et la bien-pensance en prend un sacré coup. Car oui les homosexuels sont comme tout le monde mais non pas comme le veut la vision de boy-scouts qu’on a pris l’habitude de nous servir ces temps-ci. Ceux que Guillaume rencontre sont du type de ceux que j’ai pu observer quand je travaillais sur les aéroports (milieu où ils sont nombreux) : des gens au comportement compulsif ou même prédateur. Pas du tout des sentimentaux qui rêveraient de fonder une famille « normale ». Dans le cinéma actuel, c’est presque un renversement ! Qu’on se rassure : on est encore loin d’un film comme « la chasse » que je me souviens d’avoir vu dans les années 80 et dont on ressortait secoué. Non tout se passe bien finalement et Guillaume sort intact de ses mésaventures.

image 2Le renversement  final est ce qu’il y a de plus réjouissant. Le spectateur attendait avec bienveillance de manifester sa largeur de pensée en donnant sa bénédiction aux débuts de la vie sentimentale de Guillaume aux bras d’un amant digne de lui. Mais voilà que tout est à nouveau renversé : c’est le regard d’autrui qui fait l’homosexuel. Ce regard est d’abord ici celui de la famille, de la mère, du père et des frères mais c’est aussi celui du spectateur. On nous rappelle, et c’est bien utile ces temps-ci car c’est presque oublié, que l’homosexualité n’est pas un état mais un comportement. Ce qui signifie qu’il résulte parfois d’un choix, parfois d’une éducation, le plus souvent des accidents de la vie et de quelques rencontres. Voilà donc que Guillaume fait son « coming out » comme on dit aujourd’hui. Il fait son coming out hétérosexuel ! Guillaume se marie avec une femme charmante qu’il a rencontré et qu’il a séduite.

Inside Llewyn Davis

image 1Passons vite sur ce que raconte ce film pour ceux qui ne l’aurait pas vu. L’histoire se situe au début des années soixante à New-York et plus exactement dans un endroit qu’on nous invite à considérer comme « mythique » : the village. Là un jeune barbu tente de vivre de la musique. Sa spécialité c’est le folk et son univers : une boite où on lui permet, comme à d’autres de se produire gratuitement. Il a pour agent un vieux bonhomme qui occupe une arrière-boutique où s’entassent tous les invendus de ses poulains.

Le film vient à peine de commencer, qu’on se demande ce qu’on fait là. Pourquoi va-t-on au cinéma ? Certainement pas pour ressortir cafardeux ou même carrément de méchante humeur comme quand on a vu « Inside Llewyn Davis ». Certaines critiques ajoutent « le looser magnifique » mais qu’est-ce qu’il peut bien y avoir de magnifique dans les glandouillages d’un type qui se fait insulter partout où il passe et qui insulte là où on le tolère ! Rien de magnifique, juste du minable et une heure trente de ce régime, c’est un peu pesant.

Je sais bien qu’on peut apprécier un film pour la qualité de sa narration. Seulement le procédé utilisé par les frères Coen est tout de même un peu usé. Deleuze aurait évoqué « une nouvelle forme de réalité, supposée dispersive, elliptique, errante ou ballante, opérant par blocs, avec des liaisons délibérément faibles et des événements flottants ». L’expression la plus juste, s’agissant de Llewyn Davis, est ici « errante ou ballante ». Le film est fait d’une suite de séquences séparées de temps vides. On comprend que ces séquences évoquent les vicissitudes, les aléas, qui font aller notre chanteur de New-York à Chicago puis de Chicago à New-York à la recherche d’un contrat qu’il n’a aucune chance de décrocher. La vraie vie de Llewyn est dans les temps vides, c’est alors qu’il colle le mieux à ce qu’il est : un pauvre diable qui s’imagine qu’avec un peu de voix et en rechantant quelques chansons depuis longtemps passées de mode, dont il ne connait parfois d’ailleurs pas l’auteur, il va pouvoir vivre et faire une carrière ! S’il regardait ceux qui pataugent dans la même mouise que lui, il verrait bien que c’est impossible.

image 2La narration des frères Coen reprend la ficelle du genre : la scène d’ouverture et la scène de clôture reviennent au moment où Llewyn se fait rosser. Le temps se referme ainsi pour mieux souligner le vide de l’errance du héros. Peut-être faut-il voir là un clin d’œil à la « narration temporelle et falsifiante » à la Deleuze : celle où le précédent et le suivant se confondent, où la cause et l’effet s’annulent. Mais c’est peut-être prêter beaucoup à un procédé aujourd’hui assez commun.  Sans doute s’agit-il plutôt et plus simplement d’établir une distance entre les narrateurs et leur personnage, une distance qui se voudrait sans doute ironique. Mais s’il s’agit d’ironie, alors c’est une ironie triste, une ironie chargée d’amertume. Le risque d’une telle distance, c’est qu’elle invite le spectateur à zapper. Il ne le peut pas car il est dans une salle de cinéma et qu’il est impoli de sortir pendant un film en dérangeant tout le monde. Il reste donc et son impatience s’accroit à chaque nouvelle séquence.

image 3Il y a tout de même quelque chose qui a retenu mon attention. Il faut être juste et le dire. C’est le destin du chat que Llewyn a, par mégarde, laissé échapper du domicile de ceux qui lui permettaient de dormir pour quelques nuits sur leur canapé. Le chat parvient finalement à retrouver son foyer et on en est content ! Lui au moins n’est pas un gland. Il a su se donner un but et l’atteindre. Bravo le chat donc !

Une dernière réflexion pour en finir avec cette triste affaire de chanteur en déroute et surtout une demande pressante : quand reverrons-nous des films qui nous stimulent, nous demandent de nous bouger pour faire avancer le monde dans le bon sens ? Il n’y en a qu’un seul actuellement sur les écrans et c’est « les jours heureux ». Si vous voulez aller au cinéma : allez donc voir « les jours heureux » !

Le majordome

image 1Ce film, conçu par un noir américain (Lee Daniels), est comme une médaille à double face. Côté pile c’est un film intimiste qui raconte la vie difficile de Cecil Gaines un enfant noir venu du sud violemment raciste. Sa mère est violée et son père assassiné par leur employeur. Lui bénéficie de l’ignoble charité de la maitresse de maison : il devient « nègre de maison » c’est-à-dire valet, homme à tout faire dont le premier devoir est d’être invisible (se taire, tout accepter, être corvéable à merci). Au sortir de l’enfance, il quitte le domaine où il a grandi pour tenter de joindre les Etats du nord qu’il imagine moins racistes et moins ségrégationnistes. Mais il comprend vite que si la violence y est moins directe, elle menace à tout moment et qu’il ne pourra survivre qu’en se faisant invisible, en cachant ses sentiments et en ne montrant au monde des blancs que la face bienveillante qu’un noir soumis et inoffensif. Il  trouve un emploi d’homme à tout faire dans un hôtel de luxe et à force d’application il parvient à des postes toujours plus enviables. Il est serveur dans un palace à Washington quand il est remarqué par le gestionnaire de la Maison Blanche et s’y trouve embauché comme majordome. Il servira sept présidents, toujours avec la même discrétion, la même déférence qu’il a si bien intégrée qu’elle lui colle à la peau et ceci toujours avec un salaire inférieur de 40% à celui des blancs occupant un poste similaire. Sa femme vit moins bien cette vie d’esclave bien nourri et à souliers vernis. Elle sombre dans l’alcoolisme. Il peut tout de même donner une bonne éducation à ses enfants, même s’ils n’accèdent qu’aux écoles et universités « pour noirs ». Son plus jeune fils croit qu’en acceptant de participer à la guerre du Vietnam, il sera utile à son pays et pourra en recevoir un peu de reconnaissance. Il est tué et n’a droit à rien d’autre qu’à une place dans un cimetière militaire et à une salve d’honneur pour ses obsèques. L’aîné est parti étudier dans le sud. Il participe activement aux luttes pour l’égalité, d’abord avec Martin Luther King puis avec les Blacks Panthers. Il est arrêté, battu et frôle la mort de multiples fois. Il devient dur, intransigeant, et s’oppose violemment à sa famille. Son père ne le comprend pas et le chasse. Celui qui n’était d’abord qu’un jeune homme révolté est devenu un militant aguerri. Il a la lucidité de quitter à temps les Blacks Panthers pour passer à une lutte exclusivement politique. L’impeccable majordome, qu’est Cecil Gaines, a essuyé de multiples fois le refus de voir son salaire aligné sur celui de ses collègues blancs. Surtout il a vu de l’intérieur la politique américaine et sait bien que l’intérêt des politiciens blancs pour les noirs s’arrête à leur volonté de capter leurs votes. Il fait lui aussi son chemin, se réconcilie avec son fils et même le rejoint dans son combat contre l’apartheid en Afrique du Sud. Sa femme alors revient peu à peu vers lui.image 3

Tout cet aspect du film est mené avec intelligence et sensibilité. On ne peut qu’y applaudir. C’est le côté face de la médaille. L’autre côté, le côté pile, appelle plus de réserves. Non pas qu’il ne soit pas bien filmé, au contraire, mais il est bien trop américain : politiquement naïf, si ce n’est hypocrite. On voit la politique américaine de l’intérieur à partir des conversations que Cecil Gaines entend, impassible et invisible, dans le bureau ovale de la Maison Blanche. A croire ce qui se dit là, on pourrait s’imaginer que les présidents découvrent l’ampleur de la violence raciste en arrivant au pouvoir. Que ce soit Eisenhower, Kennedy, Johnson, Nixon et Reagan (qui sont ceux mis en valeur dans le film), tous apparaissent plus ou moins sincèrement soucieux d’en finir avec l’apartheid. Ils sont montrés comme étant tous, au fond, animés de bonnes intentions. Qu’ils aient voulu en finir avec l’apartheid, et en particulier Kennedy, c’est certain.  Mais n’y étaient-ils pas contraints aussi pour éviter que le pays n’entre dans une période de luttes sociales aux conséquences imprévisibles. L’opposition à la guerre du Vietnam et la lutte contre la ségrégation raciale risquaient de se nourrir l’une l’autre pour déboucher sur une remise en cause du système lui-même. L’exemple d’Angela Davis est symptomatique à cet égard (elle est d’ailleurs ignorée dans le film). Et puis l’apartheid ne limite-t-il pas la concurrence entre salariés en empêchant de fait ou de droit les noirs d’accéder à certains métiers et de ce point de vue n’allait-il pas à l’encontre des intérêts de certains employeurs ? Il est connu qu’il a été une des causes du ralentissement de l’économie américaine surtout dans les Etats du sud. Le contexte international ne pouvait que faire craindre un basculement d’une partie de l’opinion vers le communisme. C’est dédouaner à bon compte un système et un pouvoir qui doit sa puissance à la division entretenue par la question raciale dans les classes populaires que de croire que la moralité et les qualités humaines des dirigeants étaient pour quelque chose dans leur volonté de faire respecter l’égalité civique. Avec la question de la différence de salaire entre blancs et noirs, le problème des inégalités était bien posé et s’y révélait le cynisme des pouvoirs en place. Le film ne montre pas clairement la raison pour laquelle les présidents successifs se refusent l’un après l’autre à la reconsidérer. C’est l’administrateur de la Maison Blanche qui semble seul en cause dans les refus essuyés par Cecil Gaines , ce qui est une façon facile d’évacuer le nœud du problème. S’ils combattent les formes violentes du racisme, les présidents maintiennent tous l’un après l’autre ce qui en fait la base et ce en quoi les ultras riches, ceux qui possèdent l’essentiel des richesses du pays et ont la main sur l’appareil productif, y trouvent leur intérêt. A la fin du film, l’arrivée d’Obama est montrée comme l’avènement d’une Amérique enfin juste et débarrassée du racisme. Quelle naïveté ou quelle tromperie ! Quand on voit ça, on ne peut que se dire que le poids idéologique du système est si fort aux Etats-Unis qu’il ne peut s’y concevoir que des œuvres qui sauvent la domination des grandes banques, des grands industriels, de ceux-là même qui sont les seuls à tirer profit de la division raciale. Avec les présidents, tous si soucieux de combattre le racisme, c’est le passé qui est absout de toute faute : tout retombe sur les brutes stupides du sud profond. Avec Obama c’est le système de domination actuel qui est exonéré de toute imperfection, comme si Obama n’avait pas été élu avec les fonds de Goldman Sachs et comme si tout à coup plus personne n’avait intérêt à faire perdurer la division des couches populaires. Bref, il arrive un moment où la naïveté devient douteuse et ne peut plus être considérée que comme faute ou même comme une forme de complicité. Hélas sur ce plan, le film est à l’image de tout ce qui se produit actuellement : une chape de plomb pèse sur le monde de telle façon que ce qui fait sa vraie nature est occulté. Quand verrons-nous de vraies œuvres capables de poser clairement et ouvertement les vrais problèmes de notre temps ?image 2