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Moeurs attaque

image 1Je disais dans mon précédent article que la théorie du genre diffusée à Paris 8 dans le cadre du « festival mœurs attaque » me paraissait relativement modérée. Je me vois obligé de revenir sur cette appréciation après avoir pris connaissance de la plaquette diffusée à cette occasion.

Il s’agit d’un petit cahier composé d’une dizaine de feuilles. Il est intitulé « c’est quoi mon genre ». Il se présente comme un écrit personnel, une sorte de confession. Celle qui l’a rédigé déclare vouloir se raconter « sans autre forme de justification ». Le premier article a pour titre « Ma vie est politique ». Il raconte les premiers pas dans la vie et plus particulièrement dans la vie sexuelle d’une jeune femme qui prend conscience que ce qu’elle vit n’est pas seulement personnel mais politique au sens de collectif et induit par ce qu’elle appelle « un système normatif » qu’elle résume ainsi : « domination masculine, patriarcat, rôles genrés ». Cette  prise de conscience n’est pas immédiate mais suit une psychothérapie inutile car, dit l’auteur : « elle n’a fait qu’ancrer, un peu plus en moi l’idée selon laquelle j’étais une « femme » et que je ne pourrais échapper à ce que l’on attendait généralement de ces dernières ». Cet échec est surmonté par la découverte de la pensée de Monique Wittig (dont on peut avoir un aperçu dans mes articles Facebook du 31/01 et 01/02 intitulés « l’offensive de la théorie du genre » 3 et 4) (repris le 01/06/2014). Par-là l’auteur passe donc de la découverte du genre, comme « sexe social » c’est-à-dire /comme construction culturelle et sociale, à la remise en cause globale des rôles sociaux sexués et des institutions qui leur sont liées comme « le couple ». Elle accède ainsi douloureusement à « l’idée de la non-exclusivité ». Elle apprend « à connaitre et à apprécier cette idée, synonyme à présent de liberté, d’autonomie et de non-enfermement ». Autrement dit après avoir diagnostiqué une domination déterminée socialement, elle n’en reste pas moins sur le plan de sa personne, de son vécu. A un problème, qu’elle déclare politique, elle propose une solution purement individuelle. Elle propose tout au plus de partager cette expérience, d’en discuter car ce serait le « seul et unique moyen de réellement mettre en œuvre un changement profond de nos manières d’être et de relationner ensemble« .

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Tout cela donc est bien innocent et ne va pas bien loin. Cela n’exige aucune évolution du droit, aucune mise en œuvre d’une égalité dans le travail ou le partage du pouvoir, bref cela en reste à l’interpersonnel et au sociétal. Suit d’ailleurs un petit article, apparemment de la même main (si je puis dire), qui relate une expérience de masturbation. Je ne sais comment cela a été pensé mais cela fonctionne comme  l’auto-caricature de la solution apportée à la « domination masculine ». On peut même y voir un discret retour de l’idée que le sexe n’est tout de même pas que socialement construit sous la forme de l’évocation de « l’ordre impérieux et urgent de l’envie sexuelle » et de « l’appel urgent » de la chair !

Là où les choses prennent une autre tournure qui n’autorise plus le qualificatif de modéré, c’est dans l’article suivant, rédigé en anglais mais semble-t-il au moins cautionné par l’auteur. Ici ma technique de lecture par la fin est presque inutile tant la chose est énorme !

L’article se termine par trois propositions « to change the future of gender and sexuel definitions » : la première est de se passer de la sexualité reproductive en recourant au clonage ce qui rendrait inutile l’hétérosexualité. La seconde serait d’en finir avec les identités imposées en permettant à chacun de choisir une identité comme on se choisit un avatar dans le cybermonde. La troisième, considérée comme « on a more pragmatic level » consiste à changer notre langage (ce qui était effectivement une proposition et un essai de Monique Wittig).

Clairement, on est passé de la libération individuelle plus ou  moins fantasmée au pur délire. Cela rappelle les délires dans un tout autre registre des gauchistes (surtout des maoïstes) des années soixante-dix. Ils faisaient effectivement suivre leurs diatribes contre l’exploitation capitaliste d’appels au lynchage tantôt contre les organisations syndicales ouvrières ou étudiantes ou contre un malheureux notaire de province condamné selon eux par un prétendu tribunal populaire. Il s’agissait d’importer en France les méthodes et les excès de la révolution culturelle chinoise sur laquelle tous les fantasmes paraissaient permis.

image 2Après cela il parait presque inutile de remonter en arrière pour voir quel cheminement a pu aboutir à ces propositions tout autant et tout aussi heureusement destinées à rester sans effets que celles des maoïstes. Disons néanmoins pour être court que la découverte qui permet cet aboutissement consiste principalement à soutenir que le capitalisme, qui repose sur la propriété privée, s’est développé en réprimant les formes de sexualité alternative. Selon l’auteur c’est la nécessité de transmettre la propriété qui serait à l’origine de « l’hétérosexualité obligatoire ». Il importe peu ici que la propriété privée ait précédé de très loin le développement du capitalisme. Il suffit que cela justifie les tentatives de subvertir la dualité du genre (homme/femme ; masculin/féminin) en proposant une autre classification. On apprend qu’une penseuse de cette affaire (Anne Fausto-Sterling) propose une classification en cinq genres. Une autre fait mieux et propose « 343 shades of gender ».

Il ne me semble pas utile de remonter plus loin pour voir tous les glissements qui permettent d’aboutir à tout cela. Notons seulement le passage obligé par la négation pure et simple de la différence des sexes avec la reprise de la théorie de Monique Wittig selon laquelle « there are no « male » and no « female ». Those concepts are part of a whole ideology that she defines as the straight mind« . Ce qui est clair pour moi c’est que, comme dans les années soixante-dix avec le gauchisme, la jeunesse est plus que jamais invitée à aller voir ailleurs, à perdre ses forces et son énergie dans des combats dont la première vertu est de ne rien changer au niveau social (ce qui ne les empêchera pas de pouvoir être destructeurs pour certaines et certains au niveau de leur vie personnelle). La persévérance dans l’effort pour égarer la jeunesse éduquée me parait tout à fait admirable dans sa capacité à innover et à inventer de nouveaux délires, de nouvelles folies et de nouveaux jeux de dupes !

4 réflexions sur “Moeurs attaque

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