Un bon gestionnaire, comme un bon joueur d’échec, a toujours plusieurs coups d’avance. Mario Draghi est de ceux-là. C’est aussi un homme qui sait rendre service à ses amis dans la discrétion, sans le dire et sans en tirer avantage.
Ses amis banquiers se sont empiffrés de dettes souveraines, avec d’autant plus de gloutonnerie qu’elles avaient des taux d’intérêt élevés. Mais voilà le temps de l’indigestion. Certains en Grèce et ailleurs risquent de faire défaut et de léser gravement les amis de M. Draghi. Il vole à leur secours.
Son plan est simple (même si tout est fait pour qu’il paraisse trop compliqué pour être expliqué au contribuable). Il s’agit de faire racheter toutes ces créances douteuses pour 80% par les banques centrales des pays concernés et pour 20% par la BCE. Les pays concernés ne sont pas ici ceux qui sont accablés par les dettes mais ceux chez qui sont les banquiers qui les ont achetées. Aucun risque d’erreur à ce sujet puisque M. Draghi a prévu que les rachats seront faits au prorata de la part du capital de la BCE soit 26% pour l’Allemagne (pays de la Deutsche Bank) et 20% pour la France (pays de Société Générale et du Crédit Agricole). Ainsi, les amis de M. Draghi se voient débarrassés de risques excessifs. Ils n’en gardent que les bénéfices qu’ils ont engrangés toutes ces dernières années. C’est le contribuable de chacun des pays qui devra éponger l’ardoise quand la banque centrale de son pays sera en défaut de paiement.
Un nouveau sauvetage des banques aurait été difficile à faire accepter par les électeurs sans qu’ils n’exigent une contrepartie comme une nationalisation. Mais le problème ne se pose pas avec la banque centrale (la Banque de France pour la France) pour la simple raison qu’elle est déjà nationalisée. On ne peut pas non plus la supprimer puisque cela équivaudrait à supprimer la monnaie. Comme il a souvent été répété : il n’y a pas d’alternative.
TINA ! : Le contribuable paiera puisque ce sera lui l’heureux propriétaire de la dette publique. S’il dit qu’il ne veut pas payer, que cette dette n’est pas la sienne : pas de problème, il paiera la dette de la banque centrale puisque celle-là c’est la sienne.
Donc les banques vont se retrouver avec un nouveau pactole tout frais et la lancinante question : que faire avec tout ce fric ? Sachant qu’en 2007 l’économie réelle représentait environ 2% de l’économie globale et que l’économie financière faisait les 98%, que depuis ce temps le masse monétaire a doublé tandis que l’économie réelle stagnait, que les taux de rendement des investissements dans l’économie réelle sont faibles au regard de ceux qu’on peut tirer de spéculations audacieuses, il y a fort à parier que cette manne ira nourrir de nouvelles bulles qui menaceront à leur tour d’éclater.
Ainsi non seulement on sauve les banques mais on leur offre les moyens de repartir vers de nouvelles aventures. Elle n’est pas belle la vie ?