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« Suis-je ce que mon passé a fait de moi ? »

image 1Tout d’abord je dirais que ce que nous vivons, nous le vivons au présent. Un souvenir se vit au présent, il ramène à la conscience un moment reconstruit d’un passé. Plutôt que de dire que nous sommes le produit de notre passé, il faudrait dire que nous sommes ce que nos présents successifs ont fait et font de nous.

Or, de quoi est fait le présent ?

A cela je peux répondre que l’expérience humaine se structure selon deux grands rapports. Le rapport de l’homme à la nature et les rapports qu’entretiennent les hommes entre eux. Dans le premier rapport nous voyons que le rapport de l’homme à la nature est toujours un rapport social et historique. La nature qui nous entoure elle-même est façonnée par le travail des hommes. C’est une nature humanisée que nous abordons avec les outils et les connaissances qui nous ont été transmis. Seulement, cette nature garde un primat. Elle sanctionne toute tentative de dépassement des possibles. Il ne nous est pas possible de sortir de cette nature ni possible d’ignorer que nous en sommes une partie.

Les rapports des hommes entre eux prennent deux formes. D’abord il s’agit de la relation directe des hommes à leurs semblables dont la forme première est celle de l’enfant à ses parents. Cette relation engage les liens d’affection et de désir. Cette relation s’élargit et se diversifie dans le cours de la vie. Elle est en particulier le rapport aux personnes de l’autre sexe avec les difficultés qu’il présente et les possibilités d’accomplissement qu’il recèle.

La seconde forme est le rapport social par lequel la société se structure en groupes sociaux antagoniques. Ceci en premier lieu dans le cadre de la production et de la reproduction. Dans le cadre donc du rapport social de production et dans celui du rapport social de sexe. Ces différents rapports interagissent l’un sur l’autre et sont eux-mêmes façonnés par l’organisation globale de la société et son mode de production qui varie avec le niveau des forces productives.

Contrairement à ce qu’une vision superficielle pourrait laisser croire, le rapport social n’est pas la résultante de la somme des relations sociales mais c’est plutôt lui qui dicte la forme des relations sociales – ceci en particulier par le biais des institutions qui stabilisent les rapports sociaux telles que la famille. C’est dans et par la famille que chacun se voit assigné son identité sociale (nom et prénoms) ainsi que sa place dans la succession des générations (ascendants et collatéraux), ceci principalement selon son sexe.

Chaque homme, selon la place qu’il occupe dans la société n’a accès qu’à une partie des richesses aussi bien matérielles qu’intellectuelles accumulées par la société. Son présent est donc à la fois façonné et limité par cette place qui lui échoit. C’est dans ce cadre et ces limites que ses propres dispositions naturelles s’affirment et sont bridées ou épanouies. Il est le produit plus ou moins harmonieux de ses rapports sociaux et de ses relations sociales des plus intimes au plus superficielles. Il construit la base de sa personnalité dans le cadre des relations internes à la famille. C’est par elle qu’il apprend à se socialiser et peut accéder aux rapports sociaux et y trouver sa place. Chacun est aussi façonné comme sa société par la nature qui l’entoure (ville ou campagne – désert ou région tempérée etc.), ses goûts, ses dispositions, sa culture lui sont transmis, se construisent et évoluent dans ce cadre.

Dire qu’un homme est le produit de son passé est  une façon idéologiquement biaisée de dire, ou plutôt de ne pas dire, qu’il est façonné et limité par la place qu’il occupe dans la société et que celle-ci lui offrira des possibilités elles-mêmes résultantes de son niveau de développement et sa forme d’organisation sociale (son mode de production – ses institutions) et du cadre naturel où elle se situe. Cette société connait une évolution constante que l’homme subit mais à laquelle il participe également en poursuivant ses buts propres. C’est toujours dans un monde en évolution qu’il inscrit sa propre biographie et où il recherche et trouve parfois un espace de liberté.

Le sujet proposé au bac est ainsi construit d’une façon qui invite à manquer l’essentiel. Il l’est par la référence au passé et par la personnalisation (la référence au moi). Il invite à se perdre dans le bourbier d’une discussion indécidable entre déterminisme et liberté ou entre nature et culture.  J’ai en retour moi-même une question à ceux qui conçoivent les sujets posés au bac : pourquoi posez-vous si souvent des questions dans des formes si idéologiquement biaisées ?

A l’adresse des candidats inquiets, je dirais : ceci n’est pas un corrigé mais une réaction immédiate et polémique. Pas de panique !!

Une réflexion sur “« Suis-je ce que mon passé a fait de moi ? »

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