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Les gros sabots de la propagande de guerre

image 1Voici un exemple presque soft de ce dont on nous abreuve ces derniers temps. L’affaire Nemtsov vu par les informations matinales de France Culture le 9/03/2015

Journal de 6h30 : L’enquête avance en Russie à propos de l’opposant Boris Nemtsov, tué devant le Kremlin il y a une semaine. Les autorités ont annoncé ce week-end l’arrestation de cinq suspects dont un russe d’origine Tchétchène. Ce dernier aurait reconnu son implication mais les défenseurs de la démocratie restent sceptiques et demandent à Moscou d’avantage de transparence. Nous avons interrogé Alexis Prokofiev le président de l’ONG « Russie liberté » : « il faut que les preuves de la culpabilité de ces personnes qu’on a arrêtées soient présentées au grand public. Aujourd’hui c’est ça la question qui se pose : est -ce que les enquêteurs, est-ce que la police russe a arrêté des suspects un peu par hasard ou est-ce que c’est véritablement des personnes dont on peut prouver la culpabilité ? Mais au-delà de ça, il y a la question des commanditaires. Qui sont les personnes qui ont ordonné le meurtre de Boris Nemtsov ? C’est ça aujourd’hui la question clé, c’est ça que nous attendrons des enquêteurs, c’est ce qu’attendent des enquêteurs les proches de Boris Nemtsov . Aujourd’hui Naiachine un opposant russe et un fin proche de Boris Nemtsov a demandé aux enquêteurs de continuer à rechercher les commanditaires. Il faut malheureusement rappeler qu’il y a eu l’assassinat d’Anna Politkovskaïa il y a presque dix ans ; c’était à peu près le même scénario c’est-à-dire qu’il y a eu des personnes qui ont été arrêtées et qui ont été condamnées pour ce meurtre mais les commanditaires n’ont jamais été retrouvés, n’ont jamais été jugés. C’est la même chose même chose malheureusement pour Nathalie Estemirova. c’est la même chose pour beaucoup d’autres assassinats politiques en Russie – donc nous ce que nous demandons : nous demandons à ce que les commanditaires soient trouvés et jugés selon la loi. »

Voilà : toute l’apparence d’une parfaite neutralité. On ne dit rien qui puisse être contesté. Non, on laisse dire le président d’une obscure ONG qui le lundi matin (ou même le dimanche dans la journée) voudrait que l’enquête qui a donné lieu à une arrestation le jour même soit bouclée ! Le fait qu’elle ne le soit pas lui permet d’instiller le doute.

Journal de 8 h : « A l’étranger toujours : la Russie a trouvé ses coupables. Cinq suspects ont été arrêtés ce Week-end dans l’enquête sur le meurtre de l’opposant Boris Nemtsov il y a une semaine devant le Kremlin. Parmi eux un Tchétchène. Il aurait reconnu avoir participé à l’assassinat mais les opposants au président Poutine dénoncent une nouvelle manipulation. Récit à Moscou de Caroline Gaujard-Larson : «Cinq hommes, cinq Tchétchènes, les meilleurs ennemis de Poutine, les Tchétchènes sont décidément bien souvent impliqués dans les meurtres d’opposants russes. La liste serait longue mais le seul exemple de la journaliste Anna Politkovskaïa, critique acharnée du Kremlin suffit pour comprendre : assassinée en 2006 ses bourreaux sont Tchétchènes a fini par trancher la justice russe : des bourreaux bien commodes qui ne sont évidemment pas les commanditaires au final jamais vraiment inquiétés. En réaction à la mort de Politkovskaïa Vladimir Poutine déjà expliquait pour sa défense que le crime était plus préjudiciable à Moscou que ses activités de journaliste. C’est aujourd’hui le même argument qui est repris à l’envie par les partisans russes dans l’affaire Boris Nemtsov et les mêmes coupables qui sont désignés : les Tchétchènes – de potentiels exécuteurs d’un ordre qui vient de plus haut sans compter que pour le russe moyen et fidèle téléspectateur des chaînes gouvernementales le Tchétchène est souvent un terroriste en puissance. Bref tout se tient ! »

image 2Voilà : à 6h30 on instillait le doute en laissant un « président d’ONG » distiller son venin. On ne faisait que rappeler que la victime a été « tué[e] devant le Kremlin ». A huit heures, le doute n’est plus permis. D’ailleurs ce n’est plus un Tchétchène parmi cinq autres suspects qui a été arrêté, c’est « cinq hommes, cinq Tchétchènes, les meilleurs ennemis de Poutine ». Autrement dit s’il n’avait pas les Tchétchènes il aurait dû les inventer. Rien ne dit d’ailleurs que le « Russe d’origine Tchétchène » de 6h30 ait été islamiste ou même musulman et non pas au contraire un partisan du pouvoir pro-russe ou même un simple délinquant. Mais ce genre de détail n’a pas d’importance : il faut le présenter comme un bouc émissaire facile – pour finir par le bien senti « bref tout se tient ». Pour arriver là on est passé par la présentation de Poutine en position de défense « Poutine expliquait déjà pour sa défense… ». Or, ce sont les coupables ou les accusés qui se défendent. Le meurtre de la journaliste ne s’est pas passé « devant le Kremlin » mais elle était une « critique acharnée du Kremlin ». On finit par laisser penser que le téléspectateur moyen russe est manipulé et ce au moment où on manipule l’auditeur français avec toute la lourdeur et le cynisme de la propagande de guerre.

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